En retard, sa meilleure amie est en retard. Comme toujours. Sa meilleure amie ? Suzanne commence à se poser la question. Pendant des années, Céline, la belle Céline l’a fascinée. Elle était son modèle, quasiment son icône. Suzanne essayait maladroitement de l’imiter en tout et en moins bien. Forcément. Céline était inimitable, elle le savait, et elle en profitait.
Virginie
A l’image des deux fourmis qui s’affrontent sous ses yeux pour un
tic-tac, Suzanne est consciente que l’une d’elles doit l’emporter. Et
il se pourrait bien que, cette fois, ce soit elle la gagnante. Écrasant
de l’index la fourmi la plus grande, elle se détend en imaginant le
visage de Céline lorsqu’elle lui apprendra qu’Arnaud la quitte. Pour
elle.
Gazelle
Oui. Toutes ses pensées sont encore tournées vers la nuit dernière,
moment magique où il la couvrait de ses baisers tendres, parcourant
tout son corps, parcelle par parcelle, de sa langue langoureuse lui
glissant dans le cou, de sa bouche charnue, lui mordillant les lèvres.
Jamais auparavant, elle n’avait ressenti une telle sensation avec un
homme, elle ne contrôlait plus son corps avec lui, elle lui
appartenait. En repensant à ces moments sensuels et charnels, elle
ressent un large frisson en ricochet sur l’intégralité de la surface de
sa peau. Chaque minute passée à ses côté lui paraissent tellement
courtes, mais l’heure n’était pas à celles des souvenirs, ni des bons
moments, elle allait rentrer dans une ère de chamboulements. Son
dernier tic tac rescapé fut brusquement explosé par sa mâchoire.
Angie
Le goût sucré de son dernier tic tac lui rappela sa folle nuit d’amour.
Un frisson de plaisir parcourut son échine. Une douce torpeur
l’envahit. Ses pensées furent brusquement interrompues par l’incessante
vibration qu’elle sentait à l’intérieur de son jean. Son portable. Un
nouveau message venait d’arriver. En voyant le nom qui apparut, son
coeur se mit à battre la chamade. Jonathan, l’homme avec lequel elle
vivait. A lui aussi elle devrait briser le coeur ce soir. Puis, en
pensant à comment annoncer la nouvelle à celui qui venait, le matin
même, de lui livrer la plus belle gerbe de roses thé, un autre message
arriva. Arnaud. Elle appuya sur la touche Lire, puis ces mots
apparurent : annule tout, je te quitte.
Madame Kévin
Deux ruptures dans une seule journée. Quitter et être quittée. Elle
ressentait de la culpabilité à l’égard de Jonathan et du chagrin à
cause d’Arnaud. Mais elle éprouvait également un vrai sentiment de
libération. Elle pourrait désormais arrêter de jongler avec les emplois
du temps et les mensonges. Elle pourrait exister autrement que dans le
désir des autres. La liberté se paye souvent du prix de la solitude :
elle le savait et était prête à payer. Cash. Elle envisageait avec
volupté des journées d’insouciance et d’égoïsme, des nuits passées à
apprécier le silence et à s’étendre en travers du lit. Se recentrer sur
soi et ne plus se partager. Pour être, plus tard, de nouveau
disponible. Pour qui ? Pour quoi ? Il était délicieux de laisser ces
questions en suspens…
Sylvie
Soudain, elle aperçut la silhouette de Céline, dont le retard dépassait
maintenant les vingt minutes. Je l’avais presque oubliée, pensa
Suzanne. Qu’est-ce-que je lui dis maintenant? Que j’ai passé la nuit la
plus merveilleuse avec son mec, mais que c’était purement sexuel donc
no problem? Ou bien que son mec est vraiment pas un bon coup et que je
le lui laisse, plus vache ça! Ou bien la gentille Suzanne va encore
fermer sa gueule devant sa supposée meilleure amie, bougonna Suzanne,
intérieurement, car Céline était déjà là devant elle : « Salut ma
belle! » dit joyeusement Céline…
Good Girl
-”lut”, répondit Suzanne qui ne cachait pas son mécontentement.
Pourtant, Céline n’y prit même pas attention, elle avait l’air
ailleurs. Elle arborait un sourire béat et ses yeux pétillaient de
mille feux.
Elle vint à la rencontre de Suzanne et ne s’excusa pas de son retard.
Il est vrai qu’avec elle, c’était une habitude de ne pas arriver en
temps et en heure, séduisante comme elle l’est, personne ne lui en
tenait rigueur, il lui suffisait d’un regard pour effacer toute rancune.
-”Ben t’en fais une tête”, lança Céline.
Silence…
-”Allez, viens, allons nous promener”, dit-elle, tout en faisant demi-tour sur ses talons.
Par mégarde, en se retournant, Céline fit tomber une lettre de sa poche.
Suzanne qui lui emboîtait le pas s’abaissa pour la ramasser, et, en un
coup d’oeil, elle vit l’adresse de l’expéditeur : Jonathan. SON
Jonathan.
Vanessa
Son sang ne fit qu’un tour. Elle tira le papier hors de
l’enveloppe et lu son contenu. Une simple phrase, quelques mots
griffonnés à la hâte: “Il faut que Suzanne sache la vérité avant qu’il
ne soit trop tard”.
Tout se mit à tourner autour de Suzanne, ses oreilles se mirent à
bourdonner, des points noirs dansaient devant ses yeux et mille
scénarios défilaient dans sa tête. Elle couru alors derrière Céline,
l’attrapa pas le bras et l’obligea violemment à se retourner. Elle
brandit la lettre sous ses yeux et lui hurla :
-” Tu peux m’expliquer??? TU PEUX M’EXPLIQUER???”
Le sourire de Céline s’effaça immédiatement, elle pâlit et se mit à balbutier.
-”C’est… c’est pas facile à… à te dire… Ne m’en veux pas… Je n’ai pas eu le choix… Je devais le faire… Je devais…”
Et elle se mit à sangloter comme un enfant.
Suzanne n’avait jamais vu Céline dans cet état. Perdue, elle hésita sur
la conduite à adopter. Consoler son amie ou la pousser à livrer ce
secret qui semblait si terrible.<
SpaCitron
Elle se sentait tiraillée entre la détresse de son amie, et ses
interrogations devant ces mots “Il faut que Suzanne sache la vérité
avant qu’il ne soit trop tard”. Elle ne voyait pas ce qu’ils pouvaient
signifier, elle ne comprenait pas. Céline était-elle déjà au courant de
leur petite aventure, à Arnaud et elle? Etait-ce un jeu entre eux? Ou
alors l’état de Céline n’avait rien à voir avec la nuit qu’elle,
Suzanne, avait passée à la trahir, et y avait-il alors un problème bien
plus grave?
Suzanne prit le parti de consoler son amie, en se disant qu’elle ne
parviendrait à en apprendre plus sur cette lettre que d’une Céline
calmée. “Ce n’est sûrement pas si grave, tu sais… Tu peux m’expliquer,
je ne te jugerai pas”, lui dit-elle. Elle n’était pas sûre de ses
paroles. Elle ne savait pas où elle mettait les pieds. En même temps,
elle avait elle-même été une amie plutôt imparfaite, dans la situation,
donc elle n’était pas dans la meilleure position pour porter un
jugement. Cependant, les larmes de Céline ne se calmaient pas, elle
était secouée de sanglots, ne parvenait plus à parler. Suzanne était de
plus en plus intriguée. Elle, qui, quelques instants plus tôt se
réjouissait de sa liberté retrouvée, se sentait comme prise au piège,
et elle ne savait même pas expliquer pourquoi.
Comme elle ne pouvait rien tirer de Céline, elle s’éloigna un instant.
Elle avait besoin d’une explication. Elle sortit son téléphone, et
appela Jonathan. Il décrocha quasi instantanément.
M1
« ah… j’allais t’appeler … » lui dit-il d’une voix sombre « on peut se
voir ce soir? J’ai un truc à te dire… ». « Dis-le moi maintenant, j’ai
prévu de voir Agathe ce soir, j’ai eu un mail d’elle tout à l’heure»
répondit sèchement Suzanne. « A vrai dire … Agathe et moi voulions te
voir … » « ça veut dire quoi Agathe et moi ? » demandait Suzanne, avec
moins d’assurance. « Nous voulions te voir pour t’annoncer que nous
allons nous marier … nous n’avons pas voulu le faire par téléphone,
mais là je pense que je n’avais pas le choix … je voulais aussi te …»
Suzanne avait déjà raccroché, mais son téléphone était resté collé à
son oreille, puis glissé dans son sac, en même temps qu’une larme. Elle
était incapable de réfléchir, elle sentait un vide autour d’elle. La
main de Céline posée sur son épaule vint la tirer de ce vide, du coup,
elle se sentait moins seule, presque rassurée à l’idée que Céline
aurait encore plus mal qu’elle à l’annonce de cette nouvelle qu’elle ne
voulait pas garder pour elle. « Jonathan vient de m’annoncer qu’il va
se marier avec Agathe ». « Oui je sais » répondit Céline en caressant
les cheveux de Suzanne, comme pour la consoler. Comme électrocutée par
la main de Céline, Suzanne fit un bon en arrière. Elle ne comprenait
plus rien, elle avait l’impression que tout basculait. « Oui je sais …
je sais » lui assénait encore une fois Céline, « Mais alors la lettre,
la lettre de Jonathan, qu’est ce que ça veut dire ? », « Nous avons
juste eu une aventure, et on ne voulait pas garder ça par respect pour
notre amitié, maintenant qu’il se marie avec Agathe et qu’Arnaud m’a
demandé en mariage ce matin même ».
M.
- Mais quelle bande de pignoufs ! S’exclame Suzanne et sur ce, elle plante là cette chignarde de Céline.
Son instinct de survie l’emporte enfin sur toute émotion. Exit Arnaud
le chaudard, exit Céline le faux jeton, exit Jonathan le goéland, exit
Agathe la petite joueuse.
La brise lui chatouille les jambes. Du haut de son échafaudage un
ouvrier la siffle gentiment. Suzanne accepte le compliment d’un
sourire. Décidément, c’est une belle journée qui commence…
Noisette.
« Son téléphone, vibre. Revibre. Et une troisième fois. Mais Suzanne ne
regarde pas le nom qui s’affiche sur l’écran de son portable dernier
cri. Elle préfère sourire, simplement mais durement. Dans sa tête, seul
le mot vengeance résonne, vient taper contre sa boîte crânienne, à
chaque seconde plus fortement, au fur et à mesure que son plan
machiavélique se met en place.
Oui, c’est une belle journée. Car Suzanne sait, que quelque part, elle
en sortira « gagnante» . Son amour pour Jonathan, Arnaud ou encore
Céline (et même celui pour les tic-tac) s’est transformé en haine. Et
maintenant, elle sait. Elle sait. Elle va le faire.
Arrivée au coin de la rue des roses, elle aperçoit, a LEUR table, au
café « le petit noir» , Arnaud. Il est là. fidèle au poste. Et c’est
par lui que son plan va commencer à se mettre en place.
« Salut Arnaud!»
zette
Et alors qu’Arnaud, l’objet de tous les désirs, le mâle tant convoité,
le Tic-Tac ultime, se retournait à l’appel de son prénom, celui que
Suzanne aimait tant entre, murmurer, crier sur ou sous l’oreiller, elle
réalise non seulement qu’elle aurait dû refuser le plat du jour ce midi
à la cantine, la petite tomate farcie à l’ail de Garonne, mais encore
qu’une jeune et jolie brunette sort du “Petit noir”, et enlace le cou
d’Arnaud, avant de déposer un baiser suggestif au creux de son oreille.
Elle sait qu’Arnaud ne répond plus de rien quand il a une langue
fourrée jusqu’aux portes de son tympan.
Kalashnikole
La scène qui s’offrait à Suzanne fut d’une jouissance extrême, puisque la première vengeance lui fut servie sur un plateau…
En effet, le barman qui venait de servir la table d’à côté, se retourne, et…
Voit sa dulcinée, qu’il croyait être sienne pour la vie, en train de
ramoner l’intégralité du système otorhino-laryngologique du bel Arnaud.
Le sang de ce vaillant Umberto ne fit qu’un tour, il asséna un grand
coup de plateau sur la nuque de sa belle brunette Tatiana.
Sous le choc, les dents de Tatiana ont suivi le même chemin que les tic
tac de Suzanne, toutes par terre, sauf une, qui se greffa, tel un
percing sur le “pavillon” gauche ( ben oui, celui du coeur…) d’Arnaud.
Dom des Ménagères
D’un geste rapide, elle dégaina son IPhone 3GS, et en deux clics,
discrètement, photographia à la fois le baiser auriculaire torride, et
la riposte au plateau du barman, qu’elle se garderait au frais, pour le
cas où…
Un autre clic, et la première photo fut postée sur twitter, et sur son
wall Facebook, et pour être certaine de ne pas louper l’affaire, en
mail à Céline.
Arnaud ne peut être à moi ? Il ne sera en tout cas pas à elle.
“je suis ta meilleure amie”, disait le mail, “tu comprendras que je ne
pouvais garder sous silence que ton mec te trompe, le jour même où il
te demande en mariage”.
Ah ! Qu’elle était retorse, pensa t’elle.
Et complètement salope, aussi.
Gentille sorcière
Juste à côté de la table ou Arnaud se massait désormais l’oreille
gauche, cherchant à en extraire la dent, l’homme brun réprima un petit
sourire.
Bel homme, un peu trop bien habillé quoique décontracté, il ne laissait
pas les femmes indifférentes et croisa le regard de Suzanne qui venait
de commettre son forfait et qui rougit légèrement. Elle lui plaisait
décidément bien cette petite… Dommage… ou bien ?
Car Dimitri n’était pas n’importe qui : membre de la mafia russe, il
avait pour habitude de régler les problèmes des autres à coup de
révolver ou d’accidents fâcheux, avec une nette préférence pour le
décrochage de l’ascenseur, ce qui l’ennuyait bien dans la résidence
pavillonnaire où il sévissait actuellement en situation de
pré-opération commandée.
On le payait fort bien pour son job et il vivait plus qu’à l’aise.
En tous cas, la mère d’Arnaud qui voulait garder son fils pour elle
toute seule, et uniquement toute seule, payait très très très bien…
Et c’était une femme qui avait le bon goût d’avoir un compte en banque aux Iles Caïman ! Comme lui…
Et personne ne pouvait soupçonner combien Mme Mère, la mère d’Arnaud avait un esprit machiavélique. Dimitri n’était pas seulement payé pour faire un éventuel “ménage” !
Elle le payait aussi pour espionner Arnaud, travail facile pour Dimitri, puisque qu’Arnaud ne savait pas résister à la tentation, mais elle passait également son temps à lui envoyer des “tentations” à son fiston !
Il y avait les “vraies”, Céline, Suzanne. Puis les fausses comme Tatiana, des petites minettes payées par Mme Mère pour allumer Arnaud, ce qui n’était pas bien difficile. Dimitri prenait des photos, montait des dossiers.
Mais ça ne s’arrêtait pas là : Mme Mère comptait bien sur autre chose, son rêve était que toutes ces femmes qui voulaient lui voler son fils, finissent par s’entretuer entre elles, bon débarras ! Et elle en sortirait blanche comme neige, gardant son fiston sous sa coupe. Et qui plus est, elle ferait l’économie du tueur à gages, le fameux Dimitri, radine quand même, la vioque !
Dimitri était chargé de surveiller tout ça, et d’intervenir au cas où les demoiselles ne faisaient pas bien le ménage entre elles. Et il connait la vie Dimitri, il sait bien que Mme Mère rêve un peu trop, qu’il faudra bien qu’elle en passe par lui et ses ascenseurs, et qu’elle s’occupe de remplir son compte aux iles Caïmans !
Pauvre Mme Mère !
Elle ignorait que ce petit jeu allait se retourner contre elle !
Je passe le relais à Gilsoub ! Je sais qu’il est très doué pour les histoires ! Ne me remercie pas !