La semaine de vacances a été calme, agréable. Ça fait toujours drôle de revoir la maison, de retrouver les habitudes, les gestes.

Dès que j’arrive, je remonte le carillon, la big ben.  Les gens qui viennent nous disent toujours qu’ils en ont un, mais que c’est casse pied, qu’ils ne le remonte pas, et demandent comment nous supportons ça. En général on ne répond pas !

Ce carillon, on l’avait donné à mon père en 65, en lui disant qu’il ne fonctionnait pas. À peine accroché au mur de la Sauvageonne, il s’est mis à fonctionner. Il fait partie de la maison, c’est son âme, il fait partie de l’ambiance, comme les cigales. Mon père l’a remonté de longues années, maintenant c’est moi qui m’en occupe. La big ben est très susceptible, qu’on la bouge d’un millimètre, ou que quelqu’un d’autre la remonte, et elle “se met en panne” pour longtemps.
Elle m’a valu une première violente dispute avec mon beau frère, jeune coq qui à peine arrivé dans la famille, a voulu jouer avec !

Quand je suis à Paris, que j’appelle ma mère ou mes filles, et que je l’entends sonner, j’ai l’impression d’être dans la salle à manger de la Sauvageonne, limite si je ne dis pas “tais toi” pour l’entendre !

Cette impression de n’être jamais partie. Cette sensation d’éternité. Tout est immuable, rien ne bouge !

Cela me fait l’effet d’être une provinciale qui a quitté sa famille pour la capitale, et quand je reviens, rien a changé la famille est toujours la même. Sauf que la famille, là c’est la Sauvageonne.

Ce qui me fait peur pourtant parfois, c’est  la sensation que si rien n’a bougé, moi non plus je n’ai pas évolué. Du coup je ressentais un sentiment étrange.

Je suis entre deux ères, je pense à l’été précédent, je pense à l’été prochain. Et je suis impatiente que l’été commence, impatiente d’ouvrir la Sauvageonne pour de bon, de remonter la big ben pour deux mois.