Alors que la fille de Roselyne avait environ 3 ans, nous somme allés ma petite famille et moi passer un week-end chez eux...

Je remarquais que Roselyne couvait énormément sa fille, pour ne pas dire qu'elle était énormément sur son dos... Résultat, malgré sa petite différence d'âge avec Artémis, on aurait dit qu'elles avaient 3 ans d'écart. Artémis étant plus bavarde, plus dégourdie, plus malicieuse aussi (pour les bêtises)...
Malheureusement Roselyne tomba malade le premier jour après la plage. Ce qui fait que nous nous sommes ennuyés à mourir le lendemain. J'étais la seule à parler entre mon mari qui n'avait rien à dire au mari de Roselyne (et pour cause) et le mari de Roselyne très mal à l'aise, tentant désespérément de forcer sa nature profonde, c'est à dire de communiquer...

J'avais déjà du insister auprès de mon mari pour ce week-end, il n'y en eut pas d'autres...

Les années passent. Vient la période où je divorce... Je vais mal, j'écris de longues lettres à Roselyne qui ne  répond pas, ou si peu : une carte pour mon anniversaire et le jour de l'an, mais sans jamais raconter quoi que ce soit... Elle vient parfois en stage à Paris, mais nous ne sommes jamais seules. Il y a toujours Didou (chez qui elle dort) et souvent Damien. Entre temps, elle suit son mari qui est muté plus au Sud encore.

Roselyne avec une seule fille est toujours débordée, n'a jamais de temps pour venir nous voir ou m'inviter chez elle, alors que Didou qui s'impose beaucoup plus (elle voyage beaucoup et passe souvent par le Sud) est reçue régulièrement...
Il m'est arrivé d'appeler Roselyne. Mais c'était tout à fait le sketch de Florence Foresti : elle parlait à sa fille en même temps et m'écoutait à peine.

Puis un jour je vais mieux. Je ne réponds pas à la carte de voeu de Roselyne... Celle ci s'étonne et s'en plaint à Didou (ce n'est pas mon genre). Je lui écrit alors une longue lettre pour lui dire que j'ai fini ma traversée du désert... D'elle qui était loin je n'attendais qu'une lettre de temps en temps. Je suis lasse de ses silences, de ses absences, la distance est une chose, mais étant la seule à faire des efforts, je jette l'éponge...

Didou est totalement catastrophée par la nouvelle, (elle ne s'est jamais fachée avec personne). J'ai des nouvelles de Roselyne par Didou de loin en loin... Mais quand Roselyne passe par Paris je ne suis pas là.
Didou sait juste qu'elle n'est pas vraiment heureuse avec son mari, mais qu'elle ne fait rien pour changer quoi que ce soit. Elle trouve sa fille très bébé, Roselyne est toujours sur son dos.

Quand je perds mon papa, Roselyne m'écrit. Ça me parait normal et je m'y attendais.

Puis un jour je reçois pour mon anniversaire une carte très longue, pour une fois ! Elle me demande pardon pour son absence, pardon pour son silence. J'accepte de pardonner bien sûr !

Un jour elle est venue à Paris. Nous devions déjeuner le midi ensemble, avec Damien et Didou. Cela faisait des années que je ne l'avais pas vue. Mais comme toujours Roselyne était trop agitée.
Nous étions dans un self à Paris, beaucoup de monde, peu de place. Je parlais avec Damien (plutôt calme comme moi). Didou s'agite, appelle Roselyne toutes les 30 secondes, dit que la place n'était pas bien, à cause d'un courant d'air, et part à la recherche d'une autre. Imperturbables, nous continuons à parler. Jusqu'à ce que Didou vienne nous chercher, elle a trouvé une place ailleurs. Damien et moi nous déplacons en râlant, c'est limite si on avait pas envie de dire : c'est bon, lâche nous, on mange, reviens plus tard !
Mais la place, (qu'elle a cru naïvement réserver avec son plateau) a été squattée bien sûr, il n'y a plus que 2 places... Nous nous installons de nouveau Damien et moi, laissant Didou manger seule plus loin. À force de s'agiter, elle trouve enfin une table de 4 et heureusement nous avons fini de manger... Et nous re-déménageons !

Roselyne arrive enfin... en retard, Didou va la chercher, lui montrer où est le self. Damien et moi continuons à parler...
Et oui ! Les non stressés n'aiment pas trop les stressés, au point de les gommer du paysage !
Quand Roselyne s'assoit à table enfin c'est pour manger à toute vitesse en nous racontant sa matinée agitée qui justifie son retard...
Du coup on se quitte rapidement, elle est déçue de n'avoir pas eu de temps avec nous, et moi fatiguée de toute cette agitation...
Et je ne la reverrais plus, à part quelque lettres... Jusqu'à cette année au mois de janvier où nous allons pour la première fois depuis des siècles nous voir seules.