Nous voilà donc ce jour de fin janvier où je vais enfin voir Roselyne après bien des péripéties... Je l'appelle sur son portable, elle ne répond pas, je laisse un message, elle ne rappelle pas...
Comme le temps presse, je finis par croire que je ne la verrais pas.
Finalement j'arrive à l'avoir le mercredi soir alors que son train arrive à Paris. Elle m'explique que sa fille a mis son téléphone en vibreur et qu'elle ne sait pas le remettre ! Je ris, ça me fait penser à ma mère, sauf que ma mère a l'âge d'être paumée avec un portable...
Nous nous donnons rendez-vous le jeudi soir sur les Champs Elysées. Elle arrive en retard... J'ai essayé de l'appeler 10 fois, mais elle n'a pas de sonnerie... Son stage s'est terminé plus tard que prévu...
Nous décidons d'aller boire un verre au Macdo, en attendant une heure décente pour aller dîner...
Quand on n'a pas vu les gens depuis longtemps, on est heureux de se voir... On a totalement oublié les défauts que l'on avait noté, du temps où on se voyait tout le temps... Tant mieux d'ailleurs !
Mais quelquefois ça m'amuse de penser à part moi : "ah ouais c'est vrai j'avais oublié ça ! bon sang mais c'est bien sûr"...
Roselyne est la seule à demander au guichet du Macdo : "vous avez quoi comme boisson ? ", je ris :
- demande la carte !
Puis une fois assise, je lui débloque son vibreur, pour qu'on ne passe pas la soirée à en parler... Elle doit appeler sa fille...
Mes filles et moi avons une fâcheuse tendance à nous appeler 10 fois par jour (sans compter les sms et les méls) alors je prends mes précautions...
- Je sors, j'aimerais être zen... Alors ne m'appelez que si vous êtes embarqués à l'hôpital psychiatrique et que je dois signer une décharge pour vous éviter la lobotomie ! Sinon débrouillez vous avec oncles, tantes, voisins, pompiers...
Bien sûr elles ne respectent pas toujours mes consignes et peuvent m'appeler pour me demander où j'ai rangé Rocky 5 ou un pull bleu, mais ça limite quand même les appels !
Roselyne n'a pas pris ses précautions. Elle appelle sa fille pendant 10 minutes et lui dit "je te rappelle à 20 h". Je lui fais signe : NON ! A 20 h nous serons au resto, c'est bon là ! Pour lui dire quoi de plus ?
Ces petits détails passés, nous parlons longtemps. Du quotidien, du travail, des enfants... Au bout d'une heure je lui dis :
- on ne parle que de nos gosses, alors qu'on devrait se détendre !
Elle me dit qu'on va parler d'autres choses après.
- j'ai fait un truc que tu m'avais dit de faire !
Ça doit faire au moins 10 ans, mais je m'en souviens :
- quand je t'ai dit de revoir Christian pour arrêter de l'idéaliser ?
Nous partons pour le resto. Là elle me montre son côté râleur, oublié aussi. On aurait du venir plus tôt (à 18 h faut pas pousser !) on aurait eu une place près des fenêtres (il fait nuit, il y a des travaux et rien à voir)...
Il y a un haut parleur au dessus de nous, on ne peut pas changer de place, oui mais si on va là bas, on va être dérangées par les gens qui prennent leur manteau sur le perroquet, et c'est encore plus loin de la fenêtre...
Mais comme elle met trop longtemps à se décider et que changer de place sous-entend que ce soit moi qui demande, nous restons à la même place... (les autres places sont prises aussi entre temps).
Je laisse râler. Elle veut changer ? Qu'elle change, je suivrais... Je suis plus facile à vivre, et quand il y a vraiment un problème, je ne râle pas, j'agis...
Puis là nous parlons... Elle me parle de ses nombreuses aventures... De tous les hommes rencontrés en douce, de toutes ces histoires très compliquées... C'est ainsi qu'elle a revu Christian... Parce qu'un jour elle a voulu oublier un de ses amants... Christian se trouvait dans une relation de couple qui ne fonctionnait plus. Ils ont entamé une relation adultère. Mais lui était très amoureux, pas elle... Lui voulait divorcer et qu'elle divorce. Elle réussit à le mener en bateau, jusqu'à ce que son mari et elle déménagent plus au Sud. Ensuite Christian la harcèlera au téléphone même chez elle et elle prendra vraiment peur...
Je me demande comment elle a pu arriver à vivre si longtemps dans le mensonge, en cachette, elle qui se dit débordée...
Je lui raconte quelques émotions... Elle ne comprend pas mes réserves, ni ma relation avec mes filles.
Je lui demande "tu n'as jamais pensé à divorcer". Ça paraît bête mais je ne lui ai jamais posé la question de façon aussi directe...
Non elle n'a pas le courage, peur de la solitude, de la réaction de ses parents. Elle attend, comme avant, comme toujours, un homme qui l'arracherait à son sort... Un homme qui décide pour elle...
Mais ce n'est jamais en même temps : j'aime ceux qui ne m'aiment pas et ceux qui m'aiment je ne les aime pas...
Ça me rappelle mes filles... ou moi à une certaine époque...
Elle me dit aussi qu'elle vieillit, les histoires sentimentales doivent faire vieillir alors, je ne me sens pas vieille et nous avons le même âge...
Que les mensonges la fatiguent, qu'elle est sérieuse maintenant...
Je ris : sérieuse depuis quand ? Jusqu'à quand ?
Au moment du dessert elle m'abandonne pour aller téléphoner à sa fille. 20 minutes seule à table, à sa place j'aurais tout fait pour abréger, et à ma place elle aurait râlé !
Je n'ai pas l'habitude d'avoir les yeux sur la montre mais je lui fais remarquer !
Puis nous partons, nous nous séparons à la station de métro...
Ça me fait drôle tout ça... J'ai passé une bonne soirée, malgré les petits couacs... D'un côté je me dis que c'est amusant de parler de "ça"... Sentiments, histoires d'amour, rencontres, émotions... Après tout, à part avec elle, je ne vois pas avec qui j'en parlerais !
Et de l'autre j'ai une impression étrange... Roselyne tourne en boucle depuis des années... Les hommes de sa vie changent, elle pas. Elle est toujours le cœur d'artichaut qu'elle était... Elle est toujours celle qui ne sait pas résister aux sollicitations masculines, qu'elle soit libre ou non.
Elle est toujours celle qui n'a pas le courage de se prendre en main... Celle qui attend qu'on prenne une décision pour elle...
Peut-être qu'un jour l'infortuné mari prendra une décision ! Peut-être n'est il pas si aveugle que ça !
Mais dans tous les cas, elle n'est pas, n'a jamais été heureuse, et ne le sera peut-être jamais...