La première fois nous nous en souvenons tous. Nous pouvons raconter nos souvenirs bons ou mauvais, nos impressions… C’est une première, c’est normal. 

Et pourtant nous nous trompons ! 

La première fois que nous atteignons le nirvana, nous sommes seuls.  Seuls avec nous mêmes, seuls avec nos chimères, seuls avec la découverte de nos jardins interdits. 

Je me souviens que j’étais à la maison de campagne seule avec mes parents. C’était à l’époque de la Toussaint. Mes parents dormaient en bas, je n’arrive plus à me souvenir pourquoi ils dormaient en bas, et pas en haut dans la chambre à côté de la mienne. J’étais donc seule au grenier, dans mon grand lit. Par la fenêtre sans volets, les rideaux cachaient à peine le feuillage du grand merisier, et j’aimais entendre le vent faire bruire ses feuilles. 

Je regardais le plafond mansardé blanc qui allait servir d’écran à mes chimères. 

Je me souviens du garçon de mes rêves… S’il il savait ! 

Je me souviens aussi du fantasme, tellement soft ! J’étais sur la plage en maillot de bain, et le garçon me photographiait, en tournant autour de moi, en me suggérant des poses, en me faisant des compliments… 

Dans la vraie vie il aimait en effet la photo et m’avait déjà photographiée, mais pas dans ces circonstances ! 

Le rêve m’emmène, s’intensifie, les draps se froissent, je les repousse à mes pieds, jette à terre ma chemise de nuit, moi qui n’aimait pas dormir nue. 

Puis complètement abasourdie par ce phénomène étrange, le cœur qui bat, semble battre dans tout mon corps, le front en sueur, les yeux écarquillés sur le plafond, toujours le même, toujours aussi blanc, mais tellement différent. 

Le lendemain matin, je me souviens que je me suis promenée dans le jardin complètement bouleversée comme après une nuit d’amour, émerveillée éblouie. 

Je pensais à Scarlett, je me souvenais de la scène où on la voit dans son lit, seule le matin pendant son voyage de noces, et où elle est tellement ravie, heureuse. Enfant, puis très jeune fille, je me demandais comment c’était possible, ce qu’elle avait bien pu faire qui la rende aussi heureuse. Car il était clair dans le film, que ses précédents maris ne lui avaient pas fait le même effet.

Mais ce jour là je savais. Un temps d’automne, seule avec mes parents dans cette maison que j’aimais, quelque chose avait changé pour de bon.

J’étais devenue femme.