Deux visages collés presque mélangés.

Ce n’est pas un instantané programmé, posé.

C’est un instant volé, un œil indiscret par un trou de serrure.

L’objectif est beaucoup trop près des visages, révélant des détails que seul le miroir connaît au saut du lit.

Le miroir ou le regard de l’autre.

L’autre, l’un de deux, l’intime de l’un, l’intime de l’autre. Celui ou celle qui a le droit de regarder de si près, à quelque millimètres.

Elle a les yeux fermés, presque verrouillés comme concentrée sur son rêve intérieur, sur ses sensations. Ses sourcils sont à peine visibles, ils ne sont pas marqués au charbon noir, les paupières sont nues, les cils baissés ne sont pas recouverts de mascara.

Ses cheveux noirs semblent trempés de sueur, collés à la tempe et masquant l’oreille.

Le visage de l’homme est moins visible, comme si l’objectif avait du faire un choix entre les deux visages. Ses yeux sont fermés aussi, très fermés. Son nez cache le nez de la femme. Un nez droit, un profil sérieux, un début de tempe grise accentue cet effet.

Seules les bouches sont actives. Les lèvres collées, avides. Des petits bouts de langues apparaissent.

Ce n’est pas une photo de film.

Dans un film ce serait tout ou rien. Les acteurs montreraient trop de langue, ou au contraire ils s’embrasseraient lèvres pincées, en essayant de faire croire à une étreinte passionnée. 

Curieux cliché qui ne montre rien que des visages dénués d’artifices, il ne montre rien et pourtant il montre tout. 

Deux êtres insensibles au reste du monde.

Et pourtant l’un des deux a appuyé sur le déclencheur pour garder en mémoire le souvenir d’un instant magique.