C’était l’époque des premiers walkman, que l’on a voulu appelé ensuite “baladeur” mais ça n’a pas été si simple, plusieurs années durant, comme tout le monde, je disais “walkmann”.

Mon frère Cédric avait environ 15 ans, Camomille 17 ans et moi 20 ans. Cédric et Camomille avait en commun un ami Jean-Paul. Fils d’une famille relativement riche, un père politique local, une mère au foyer.

Ses parents ne lui refusaient rien. À l’époque il affichait des tendances bisexuelles, plus tard il a choisi son champ, celui des hommes. Je n’ai rien contre eux, permettez moi d’ouvrir le parapluie, je sais combien il faut ménager les susceptibilités. D’ailleurs j’aime beaucoup son compagnon actuel, et j’ai aimé le précédent aussi.

Mais Jean-Paul fait partie de ces gens qui ne peuvent s’empêcher de se faire remarquer. Prétentieux, frimeur, fashion victime, critiquant le mauvais gout des autres, leur gout tout court, la langue acérée, relativement sans gêne. Toujours apte à se mettre en avant sa famille, ses relations etc…
Il n’en restait pas moins un ami fidèle et sincère qui adorait mon frère et ma sœur, il était ami avec mon frère depuis la sixième, et ils avaient d’ailleurs sympathisé parce que plus timide à l’époque, il était rejeté des autres à cause de ses manières “pas très viriles” et Cédric avait pris sa défense. Cédric étant lui même quelqu’un qui ne rentre pas dans le moule, aimait aussi la mode, une tendance qui s’est accélérée ensuite chez les hommes, mais qui était encore toute nouvelle à l’époque… L’époque des “minets” même si dans l’histoire on a connu des dandys dans des milieux beaucoup plus aisés que celui dont je parle…

Jean-Paul, pourri gâté par sa mère, était toujours le premier à acheter la dernière chemise à la mode, la nouvelle chaîne hi-fi, les parfums hors de prix… Il fut donc le premier à acheter un walkman de marque. Un peu plus tard, on inventa les imitations, les petites marques, et Cédric put enfin en avoir un, beaucoup plus cheap acheté à la Redoute.

Camomille fêtait son anniversaire à la maison de campagne, ils avaient invité des copains, loué la salle des fêtes du village.Tous les copains passaient à la maison déposer leurs affaires avant la soirée, puis nous devions rejoindre la salle.

Il y avait plusieurs groupes qui ne se connaissaient pas, se voyaient pour la première fois. Un garçon Denis fut très impressionné par le walkman de Jean Paul. A part lui personne n’aurait songé à emmener des objets précieux dans ce genre de soirée…

Jean-Paul prête volontiers son walkman et Denis le garde sur les oreilles tout le week-end. Denis est le copain d’un baba cool, trop drôle. Longue chevelure blonde, il est venu avec sa copine. Il se promène dans le jardin le nez en l’air, l’air extasié et dit à ma mère, que la nature il n’y a que ça de vrai… Il est venu pour ça d’ailleurs !

La soirée se passe sans problèmes. Puis nous nous entassons tous dans le grenier sur des matelas pour dormir. Le lendemain, mes parents préparent le café, il y a du monde partout, dans le jardin, les chambres, le salon…

Puis vient le moment des conciliabules, qui part en voiture, qui part en train, qui doit on raccompagner à la gare etc… Les groupes se séparent.

Denis doit partir avec son copain baba cool et sa copine. Jean-Paul lui demande où est son walkman,

- je l’ai posé sur le buffet.

Il y a une demi douzaine de buffets dans la maison mais ça n’a pas l’air de perturber Jean-Paul. Quand tout le monde est parti, qu’il ne reste que nous, Jean Paul et un autre. Jean Paul cherche son walkman. Il ne le retrouvera pas…

Ma mère est catastrophée, lui reproche de ne pas l’avoir mis dans un meuble fermé, prévu pour les sacs à main, mais que personne n’a bien entendu utilisé. Je suis la seule à ne pas avoir lâché mon sac à main, même jeune j’ai toujours été très prudente dans les soirées !

Jean-Paul dit à Martine : ça m’apprendra à étaler mes richesses !

L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais non  !