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Eugène a toujours été bricoleur, mais aussi un peu artiste. Il encadrait les gravures anciennes, réparait les malles, et il a aussi restauré de nombreux tableaux. 

Chez moi nous étions très “toile”. Moi aussi je suis “toile” je n’aime pas les posters, ni les lithographie, je trouve toujours un peu nus les appartements décorés de posters et de cartes postales, et quand je vois un mur tout blanc sans rien, j’ai envie de prendre mon marteau et d’y planter un de ces célèbres crochets X comme j’en ai toujours vu chez mes parents, chez mes sœurs, chez mon frère, à la Sauvageonne et aussi chez moi. Et bien sûr, à ces crochets sont suspendus des tableaux. Pas forcément des tableaux de valeur, quoique ceux de mon père ont une valeur sentimentale, pas forcément des célébrités, la plupart viennent de brocante et de salles des ventes. 

Je n’en ai que 4 neufs, tous offerts par mon père, un grand qui représente une ville du Maroc, et 3 petits les uns au dessus des autres qui représentent la côte d’Azur. Mon papa avait bien compris que j’ai besoin de soleil chez moi ! 

Long préambule pour expliquer la suite. Petite j’aimais les poupées de collection. Les marquises en particulier c’était la mode, avec leurs marquis parfois. Aujourd’hui elles m’inspireraient plutôt des fous rires, tout comme les belles andalouses sur la télé en acajou, mais c’est comme ça, c’était la mode. Il fallait ramener d’alsace la poupée de collection alsacienne, par exemple ! 

La plupart du temps elles restaient dans leur boîte de plastique pour ne pas prendre la poussière, ou alors il fallait avoir une vitrine, vite pleine bien sûr, je partageais ma chambre, ma vitrine et mes poupées avec Camomille. Certaines avaient un support pour tenir debout, mais la plupart ne tenaient pas debout, que faire de ces drôles de pantin enrubannée, qui ne tenaient pas debout, et avec qui on ne pouvait pas jouer contrairement aux barbies ?
Pas grand-chose ! 

Un jour on m’a offert une énorme poupée de collection. Une marquise en blanc qui ne tenait pas debout. Je la trouvais magnifique. Sa robe était énorme, mais elle ne tenait pas debout. Eugène me dit qu’il allait trouver une idée. 

En effet peu de temps après, il me montra son idée : il avait récupéré un cadre étrange, il était ovale entourée de dorure comme un miroir de conte de fées, devant c’était un globe de verre bombé. Le fond était en velours rouge à l’ancienne, tout à fait le style de chose que ma grand-mère jeune fille aurait eu dans sa chambre. Il avait du contenir des fleurs séchées ou quelque chose d’approchant. Il fait pile la taille de ma poupée. Ma poupée se retrouva donc enfermée dans le globe, son énorme robe remplissant presque tout l’espace, à l’abri de la poussière et n’ayant plus de soucis pour tenir sur ses minuscules pieds peints.  Le globe semblait pile poil taillé pour elle. C’est ainsi que ma poupée se retrouvé accrochée au mur. Et cela convenait à la fillette romantique que j’étais ! 

Sauf que les années passant, je regrettais que ma poupée soit prisonnière ! La pauvre princesse dans sa tour d’ivoire, j’avais envie de la délivrer. Eugène hésitait, me disait que c’était du bricolage, que si il démontait le globe, il ne pourrait plus jamais le remonter. Alors je cédais, d’accord, d’accord on la laisse encore un peu. 

Le temps passe. Un jour nous déménageons pour la nouvelle maison. J’ai 10 ans. Un jour je rentre de l’école et ma sœur m’attend en haut de l’escalier : 

- Louisianne, il y a une surprise pour toi ! 

Je la regarde, elle tient dans les mains ma poupée délivrée de son globe ! Je pousse un cri de joie ! 

Est-ce à cause du déménagement ? Mon père trouvant le globe s’est dit que c’était le moment ? Le globe n’est pas cassé je l’ai toujours ! 

J’ai gardé ce souvenir, car je me dis souvent que quelques année plus tard, je n’aurais pas eu de cri de joie : la poupée serait tombée dans l’oubli, et je me serais moquée du fait qu’elle soit sous globe ou pas, je me serais même moquée de mes propres goûts ! 

J’y ai repensé récemment. À cause des changements récents dans ma vie. Mais je me dis aussi que c’est peut être moi, la poupée sous globe, qui est enfin sortie de son globe !