J’ai  maintenant 40 ans. Je n’ai pas vu les années passer. 


J’étais trop occupée. Occupée à chercher des activités, à être la nouvelle, Barbara la nouvelle. D’ailleurs si je pouvais je changerais mon nom de famille, pour m’appelle Nouvelle ou New !

J’ai quelquefois songé à changer de pays, ce serait plus facile de changer et d’être une nouvelle. Mais j’ai un travail et je ne peux pas le quitter, il faut bien vivre. Au travail je ne serais bien entendu jamais la nouvelle, donc j’ai besoin des activités extérieures. J’ai déjà parlé des vacances, il y a tout de même une petite possibilité, j’y reviens.

J’ai tout fait : la chorale, les instruments de musique. J’ai la chance d’être sportive alors j’ai tout essayé : il y a de nouveaux sports tout le temps, des sports de combat, des sports qui mélangent la méditation et la défense. Des sports d’extérieur et d’intérieur. Des danses de tous les genre. J’ai appris à jouer au bridge dans des clubs, au tarot, au poker. J’ai passé des soirées dans des bars branchés où on danse, ou encore des bars philos plein d’habitués où je suis la nouvelle. Des cinés clubs avec débats, enfin tout quoi !

Je ne sais pas si il y a des choses que je n’ai pas essayé. Je ne garde pas les amis que je me fais. Je ne le fais pas volontairement, ni forcément consciemment, mais quand je ne suis plus la nouvelle, je n’ai pas envie de croiser quelqu’un qui me dise “Barbara, mais tu ne vas plus au cours de fitness ?”

J’ai eu aussi une vie amoureuse, bien sûr, toujours en étant la nouvelle, mais ça ne dure pas, car j’ai besoin de briller ailleurs.

Pour les vacances, j’ai un jour trouvé une idée en lisant le témoignage d’une femme écrivain. J’ai fait comme elle : j’ai choisi un petit village, pas trop paumé qui “bouge” un peu l’été, et pas trop loin d’une ville moyenne. Je me suis installée dans un hôtel restaurant sur la place, de préférence un endroit que tout le monde connait et dont le patron est un pilier.

Je me fait passer pour un auteur de best seller, ou une historienne qui fait des recherches. Et ça marche ! J’attise la curiosité, on se propose pour me faire goûter les spécialités du pays, pour me faire visiter, le célibataire endurci voit en moi la femme idéale, les femmes qui s’ennuient me racontent leur vie. Il faut rester au moins trois semaines, voire un mois pour que ce soit intéressant. Trop peu de temps, les gens n’osent pas approcher, et je n’apprends rien sur eux.

Maintenant je me demande si je devrais pas écrire un livre sur tous ces villages !

Je vais mal. Je ne sais plus quoi faire. Je n’ai plus d’idée. J’ai quarante ans et je m’ennuie. Je n’ai plus envie de rien, même pas d’être la nouvelle.

Peut être aurais je du consulter avant, me rendre compte que quelque chose clochait ? Vous en pensez quoi, docteur ?

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