bureau2Nathanaëlle fait de plus en plus de réflexions...
Soit à moi : "tu plais parce que tu es disponible" sous entendu si je n'étais pas mariée, c'est moi qu'il choisirait... Soit à Patrice : "et moi je suis transparente, tu ne me dis plus bonjour"...

Je commence à me demander si elle si heureuse qu'elle le dit en couple. Ce qui expliquerait sa curiosité pour la vie des autres, son intérêt pour mon histoire... Elle est envieuse...

Les rumeurs vont bon train bien sûr. Je pars en vacances, et de bonnes âmes me disent que Nathanaëlle a profité de mon absence pour déjeuner avec Patrice. Je ris. D'abord parce qu'on croit bon de m'informer (j'ignorais qu'il était ma propriété) et je ris du procédé puéril.

Les choses se dégradent aussi côté travail. M. Jeufairien est parti. Notre équipe va disparaître, chacun va soit trouver un poste, soit être recasé sans choisir. Nathanaëlle remplace M. Jeufairien par intérim. Tout le monde sait à la direction que M. Jeufairien ne faisait rien, et tout le monde croyait que Nathanaëlle faisait le travail à sa place. Or il n'en est rien, et Nathanaëlle est en première ligne maintenant. Quand elle part au mois d'août, je ne fais plus ce que je faisais avant : ramasser tous les dossiers en retard qu'elle a laissé traîner et le faire à sa place. Je ne fais rien. La secrétaire du directeur trouve un jour surprise une lettre datée et signée et jamais partie sur le bureau de Nathanaëlle.

Le directeur aussi me demande un travail, ce qui fait que je suis en contact direct avec lui. Nathanaëlle a peur que je parle d'elle : que je fasse comme elle en gros ! Descendre quelqu'un de mon équipe.
Elle travaille encore moins qu'avant. Elle passe son temps à se faire des relations pour son futur poste.

C'est une personne très classique. Ce qui est assez étrange, car je ne le suis pas. Habillée classique, s'exprimant de façon classique, préférant les gens qui ont la cinquantaine et font des ronds de jambes. Classique aussi dans ses loisirs, dans ses goûts. Parfois elle me faisait plus penser à la génération de mes parents qu'à la mienne.

Aurais-je été aussi aveugle ?

Elle ne se fait pas que des relations pour le travail : il n'y a plus de chef, donc plus de garde fou. De plus en plus de "clients" extérieur à notre service viennent prendre le café dans le bureau et restent longtemps. Tout cela déplait, se sait.

Un jour le clash a lieu. Nathanaëlle s'approprie un travail que j'ai fait pour le présenter au directeur en mon absence. Celui là n'est pas dupe bien sûr. Quand à moi si je peux laisser couler des manigances puériles pour attirer les regards mâles, je ne peux laisser passer ça.

Le froid s'installe dans le bureau. J'ai beaucoup de peine, je suis blessée. Je n'ai pas oublié les bons moments, la complicité. J'ai du mal à croire à ce que j'ai découvert d'elle. Nous ne nous parlons plus que par nécessité, pour le travail, mais nous sommes toujours face à face physiquement.

Un homme vient travailler pas loin de nous. Pas un bel homme comme Patrice, mais un ami du directeur. Il n'est là que par interim. Il est très intéressant, érudit, s'intéresse à tout. Il se lie d'amitié avec elle et moi. Je déjeune avec lui de temps en temps. Mais Nathanaëlle se débrouille pour déjeuner tous les jours avec lui...

Un jour il vient nous présenter un projet sur un PC dans notre bureau. Nathanaëlle est passionnée (sauf qu'elle ne se passionne pour rien).  Je pose des questions.  Nathanaëlle a un comportement si choquant qu'Annette et moi nous regardons ! Incroyable, je ne saurais pas le décrire... Se faire remarquer, parler d'elle en en faisant des tonnes...
Ça donne :
- tu crois que je pourrais être chanteuse, Barbara mais en blonde, tu veux que je chante...
Ce n'est pas la première fois bien sûr que je la vois faire un tel cinéma. Mais je n'y avais jamais vu si clair...

Finalement sa dernière tentative, sa dernière gaffe elle la fera avec Patrice. Patrice et moi nous connaissons depuis deux ans. Il m'a raconté sa vie, je l'ai écouté des heures. Il est toujours content de me voir, nous sommes devenus très proches. Nous nous plaisons bien sûr, mais c'est tout, parfois c'est comme ça et on sait que ça ne sera pas autrement. Nous avions besoin l'un de l'autre, à ce moment là, où je n'étais pas complètement guérie et où lui avait des problèmes personnels et professionnels.  Patrice était marié et il n'avait rien d'un cavaleur.

Nathanaëlle lui plaisait aussi probablement, au moins physiquement. Mais la relation était superficielle, comme toutes les relations de Nathanaëlle. Patrice connaissait son mari. Nathanaëlle n'aurait donc pas du voir d'un si mauvais œil ma complicité avec Patrice.

Un jour je reviens de vacances, je suis seule, Nathanaëlle est encore en vacances. Patrice arrive dans mon bureau et me demande où elle est... Je lui réponds qu'elle rentre demain...
- parce que j'ai un truc à lui donner" se croit il obligé de justifier, comme si j'allais le fouetter...

Je ne suis pas surprise, on m'a déjà prévenu qu'il ne fallait pas que je tourne le dos ! Diantre ! Quand Nathanaëlle arrive le lendemain, je lui dis que Patrice l'a cherchée. Elle bafouille rougissante "c'est parce que on a travaillé ensemble sur le dossier x"... Comme si j'allais la fouetter.

Je rigole bien sur mon clavier ! Il est vrai que Nathanaëlle, vu que je ne suis plus son amie a eu tout le temps de se faire des films... Et pour quelqu'un comme elle, tout ne peut tourner qu'autour de la drague...
Louisianne a eu une aventure il y a peu, elle a du faire du lieu de travail son terrain de chasse... Louisianne est disponible donc elle... Ben oui parce que se dire "Louisianne on l'aime bien, Louisianne se fait des amis" ce serait horrible !

Je ne sais pas quel était ce "truc"... Mais Patrice lui voudrait bien que je le sache. Il arrive dans le bureau et dit bien fort à Nathanaëlle : "vas y écoute les CD que je t'ai passé"... Elle est gênée. Patrice explique qu'il s'agit de maquettes d'un groupe quand il était jeune...

Je vois très bien la scène sans y être : Patrice parle de son groupe de jeunesse, Nathanaëlle s'écrit : "génial, je veux écouter"...
Je lui dirais bien qu'elle ne s'y intéresse pas vraiment. Qu'elle va mettre six mois à les écouter, six mois à lui rendre, et que l'avis qu'elle lui donnera le décevra sûrement. Elle n'y connait rien ! Il est comme un gamin tout fier qu'on s'intéresse à lui ! Les hommes peuvent être bêtes parfois !

Mais je ne lui dis rien, il le verra bien tout seul. Et il le voit. Il m'en reparle ensuite. Il a vu clair dans son manège :
- j'ai été nul ! C'est la rivalité avec toi ! Je n'avais pas compris !
- Si, un peu ! Quand tu es venu me dire que tu avais quelque chose pour elle, on aurait dit que tu avais peur d'une scène !
- ben oui c'est à ce moment en fait que j'ai réalisé ! Que ça avait quelque chose à voir avec sa relation avec toi !
- et après tu as tout fait pour que je sache de quoi il s'agissait. Comme si tu étais coupable !
- j'ai été con hein ?
- non juste crétin !

Même après les changements de postes, Patrice est resté en contact avec moi. Pas avec elle bien sûr.

Après heureusement les déménagements, changements de service,  je l'ai perdue de vue.

Mais cette histoire m'a laissée un goût amer. Était-ce parce que j'allais mal que je n'avais pas vu clair en elle ?

Je n'avais pas vu qui elle était : envieuse, superficielle et tout à fait immature dans sa relation aux autres.
Mais bien sûr il y avait tout de même des points communs qui nous avaient réunies, et qui m'ont fait avoir longtemps de la peine et des regrets.

Et puis je me rendais compte de tout ce que j'aurais du faire et ne pas faire. Je n'aurais jamais du me confier à elle, je n'aurais jamais du lui parler d'Alexis. Je n'aurais jamais du lui faire confiance et croire que ma bienveillance à son égard était réciproque...

Mais grâce à elle je sais reconnaître rapidement ceux et celles qui ont la même personnalité.

Et j'ai surtout appris à me méfier des amitiés de bureau... Il est vrai que le contexte s'y prêtait (trop peu de travail)

Mais c'est si loin tout ça, et j'ai tellement évolué depuis, que je n'ai pas besoin de me méfier... Aussi agréables que soient les relations de bureau, je sais que ce sont des relations factuelles. Et j'évite les confidences, les miennes et celles des autres !