Depuis plusieurs années mes filles et moi sommes des fidèles des fêtes de Bayonne. J’aime cette ambiance festive, les fêtes de rues, le rouge, le blanc.

La première année, mes filles étaient invités chez les parents de leur amie Solène, et je les ai rejoint. L’année suivante les parents de Solène n’y sont pas allés, j’ai emmené les trois filles qui ont retrouvé des copains sur place. Au fil des années, le groupe des jeunes s’est agrandi, mais j’étais toujours la seule parent(e).

Mais pour rien au monde je ne m’en serai privé ! Je passe un peu de temps avec les jeunes, je vais me balader une heure ou deux, nous communiquons par sms, tu es où, on est là. Parfois ils m’empêchaient de partir, m’assuraient que je ne les dérangeait pas.

Et c’est vrai que l’avantage des férias c’est qu’il y a des gens de tous les âges ! Tout le monde se parle. Souvent on m’aborde, un jeune homme me fait danser le rock, un autre m’a tenu compagnie durant la longue file d’attente aux distributeurs, souvent on me tend une bouteille en plastique avec une mixture bizarre, je dis non merci, je préfère la sangria, et au bar ! De toutes façons je ne bois pas beaucoup.

Cette année là j’étais allée me promener. Ça devait être le deuxième soir, car j’étais fatiguée, et je m’ennuie un peu, marre de tourner en rond.  Je décidais d’aller dormir un peu dans la voiture. Impossible de prendre la voiture pour aller à l’hôtel et revenir ensuite : quand on a trouvé une place pour la voiture, on la garde toute la nuit.

Je marche, il faut déjà beaucoup marcher pour sortir de la fête, retrouver la rue où est garée la voiture. Je croise des policiers assis près de leur voiture, puis je continue. Je croise un jeune homme.
Il m’aborde avec un grand sourire :

- Madame, vous avez déjà bu un verre ?
- Je ne comprends pas trop, je croyais qu’il allait me demander une rue.
- euh oui !
Et là je crois qu’il va me demander où sont les buvettes ou autre chose… Complètement à côté de la plaque, Louisianne !
- Vous ne voulez pas en boire un autre ?
- D’accord !

Là  je comprends mieux le grand sourire. Nous repartons en sens inverse. Je me dis que c’est grand Bayonne, que je ne risque pas de croiser mes filles, et d’avoir droit plus tard à leurs questions.

Pas de chance en passant dans la fête foraine, j’entends Solène hurler discrètement :

- Hé ! Ta mère elle s’est trouvé un copain !

Le copain n’a rien entendu, je me retourne en riant, un pouce levé, et regarde mes filles froncer les sourcils en fixant le dos du type.

Nous arrivons sur la place de l’hotel de ville. Il va chercher un verre pendant que je m’assoie sur les bancs de bois.

Il n’est pas très grand et vouté. Il a de beaux yeux bleus. Plutôt mince, pas vraiment musclé. Pas désagréable à regarder, un charme certain, sans être vraiment beau.

Puis nous parlons. Il me dit qu’il était avec des amis qui sont partis, je dis la même chose. Il me parle de la fête de la veille, me demande plusieurs fois combien j’ai bu de verres. Je me dis qu’il s’attendait à trouver une femme ivre morte ou presque, quoi exactement ? Une fofolle ? Une proie facile ? Sauf qu’il faudrait que je sois morte tout court pour perdre mon self control !

Car bien sur tout en conversant je cogite. Il a 33 ans, moi beaucoup plus. Je ne lui dis pas. Il me parle de son travail, je lui dis que je suis en vacances à Petite Ville du Sud, ici juste pour deux jours.

Rien de bien passionnant, rien qui accroche. Il me dit soudain :

- tout à l’heure je t’ai prise pour quelqu’un d’autre !

Je me retiens d’éclater de rire ! Faux bien entendu, typiquement masculin ! Il n’assume pas !
J’ai presque envie de lui dire : si tu regrettes, tu peux t’en aller... ou encore c’est bon assume !
Mais ce serait méchant, et je n’ai pas envie d’être seule.
Je réfléchis trop vite, je suis trop directe parfois, retiens toi jeune fille !

Puis on va se promener. Refaire le chemin que j’ai du faire dix fois au milieu de la foule, du bruit, des lumières. Nous nous arrêtons au bord de la Nive, nous regardons l’eau, la ville pleine à craquer. C’est joli.

Ça me fait tout drôle d’être là. De m’être fait draguer.
Je me dis que ça ne s’arrête jamais finalement.
Qu’on est toujours jeune quelque part, ce n’est jamais fini quoiqu’on pense.

Et là je me dis qu’il devrait faire quelque chose.
Ou alors c’est moi… Tu fais moi la maligne maintenant madame la directe !

Il m’embrasse. Ça fait tout drôle. Un flirt avec un garçon qu’on ne connait pas, ça ne m’est pas arrivé depuis… pfftttt ! Oui je dis garçon, c’est exprès, je n’ai pas l’impression d’être une femme, avec un homme, mais une jeune fille avec un jeune homme.

Juste après je me dis : et on fait quoi avec un garçon qu’on connait à peine ? Des siècles que je parle avec les hommes, des siècles que je ne tombe plus dans les bras du premier venu, je fais quoi, je vais demander le mode d’emploi à mes filles ? Un verre de plus peut-être ?