Il était une fois une dame.

Je pourrais dire une vieille dame, mais les vieilles dames n’existent plus ! Elles ont l’œil pétillant, le pas rapide, l’esprit en alerte !

Cette charmante dame était donc retraitée. Elle habitait un petit village de campagne où quelques âmes vieillissaient comme elle. Son mari l’avait quitté pour un monde meilleur. Il était cordonnier, durant des années, Blanche avait été à la caisse du petit magasin du village voisin avec son mari. Elle encaissait, préparait les tickets pour venir reprendre les chaussures. Elle vendait aussi des petits accessoires, des lacets, du cirage, des portes clés.

Elle connaissait tout le village, et les gens des villages voisins, ou plutôt leurs pieds ! Berthe qui usait ses semelles à peine deux mois après avoir acheté ses chaussures, Marcel qui n’achetait que deux paires de chaussures tous les cinq ans. Véronique qui sortait chercher le pain en pantoufles pour ne pas user ses chaussures !

Tout cela est bien loin ! Les enfants de Blanche habitent loin et même si ils viennent avec ses petits enfants pour les vacances, le temps est bien long !

Alors Blanche s’est acheté un ordinateur d’occasion. Et elle s’est mise à surfer sur le net, plus dégourdie que la vieille Paule qui confond minitel et ordinateur.

Et un jour Blanche a découvert les blogs, et a décidé d’en créer un. Mais qu’allait-elle pouvoir raconter, elle ne faisait rien, ou si peu de ses journées ?

Mais Blanche a plus d’un tour dans son sac ! Et elle s’aperçoit qu’elle a des choses à dire… enfin à écrire !

Elle raconte l’histoire du rouge gorge qui se pose tous les matins sur sa fenêtre. Elle le prend même en photo et fait un album en ligne. Vite elle court en ville pour s’acheter un apn !

Elle parle de son jardin, de ses plantations, des libellules et des abeilles. Elle veut faire une ruche, du miel, elle se renseigne. Elle parle de ses voisines et décident de les interviewer : elle va chez chacun d’eux, la vieille Paule, Berthe et Marcel.

Elle leur demande de raconter leur vie, leur garantit l’anonymat, et s’aperçoit qu’ils ont tant de choses à dire, et que finalement ils n’ont jamais pris le temps de raconter leur passés, tout occupés qu’ils étaient avant la retraite à courir tout le temps, et oui, même à la campagne on court !

Du coup Blanche organise un thé tous les 15 jours, le dimanche et chez elle, et chacun prend plaisir à se raconter, et Blanche prend des notes.

Et puis son blog commence à être connu : des gens commentent, lui écrivent. Des retraitées blogueuses comme elle, et puis des gens plus jeunes.

Des amitiés se nouent. Un jour une jeune mère de famille lui dit qu’elle passe dans sa région, et qu’elle va venir la voir, Blanche est ravie.

Elle reçoit des méls de gens de tous les pays, du Québec, de Suisse, d’Irlande.

La vie de Blanche a changé. Et pourtant Blanche n’est pas partie découvrir le monde, c’est le monde qui est venu dans son petit chez elle, en entrant par une petite fenêtre (non je ne parle pas de système d’exploitation).

Voilà un petit conte venu tout seul, un matin de février !