J’ai lu beaucoup de livres d’une journaliste écrivaine qui traitait de sujets sur la famille. Les sujets qui l’intéressaient étant en lien avec sa propre évolution dans  la vie, par exemple : mariages, enfants en bas âge, remariages, enfants adultes puis seniors, retraités…

Pour tous ses livres elles sillonnait la France pour receuillir des témoignages. Je l’imaginais reçue dans le salon cosy d’une petite grand-mère en buvant du thé.

J’aurais adoré faire ça !
Écouter des gens, entendre des vies, il y a tant de vies passionnantes et intéressantes que l’on ne peut même pas soupçonner.

Cette lubie est en relation avec le billet précédent. Même si je n’écris pas forcément un billet ou un roman, je garde ces histoires dans un coin de ma mémoire. Je me ” nourris “  des vies !

J’ai toujours posé beaucoup de questions aux gens qui m’intéressent. (Oui il faut être honnête, comme tout le monde il m’arrive de croiser des gens qui ne m’attirent pas). Ces questions sont toujours bien accueillis, les exceptions sont rares.

Pour moi c’est naturel de demander si vous avez toujours habité la région, si vous avez des frères et sœurs, si vous faîtes depuis longtemps du théâtre (ou danse ou poterie peu importe), à quel endroit vous avez travaillé avant (si c’est au travail) etc.

Bien sûr je ne suis pas indiscrète, mais même en étant prudente, avec le temps j’ai appris qu’il y a des sujets à manipuler avec précaution.
Par exemple la question sur la vie maritale, les célibataires n’aiment pas cette question, les fraîchement divorcés n’ont pas envie de parler de leur ex. En général j’attends et les choses viennent toutes seules, j’entendrai ” mon mari travaille ici.. ou ” les enfants sont chez leur père ” ce qui ne signifie rien, la dame peut être remariée depuis…
Je parle aux féminin car les hommes parlent moins aisément et moins naturellement de leur vie de couple ou de leurs enfants. Parfois c’est après plusieurs années qu’on apprend que tel collègue est marié et a deux enfants.

À propos d’enfants, là aussi prudence. Si vous demandez à une personne si elle a des enfants, si elle en a, elle sera ravie de dire ” j’ai deux enfants de tel âge “, mais si elle n’en a pas, ne jamais insister.
Ni commentaires, ni questions. Commentaires maladroits du style  : vous avez raison vous êtes tranquilles,  alors que la personne en face essaye d’en avoir depuis des années,
ou questions indiscrètes : Martine est spécialiste là dedans, elle ne comprends pas qu’on ne veuille pas d’enfants :  Pourquoi ? Vous n’en avez pas voulu ? Et vous en aurez quand ?

L’innocente question sur les frères et sœurs peut aussi être un terrain miné. Je me souviens d’une collègue Françoise :  au cours d’une conversation elle a mentionné que ses parents âgés n’avait qu’elle comme fille, une autre collègue a dit ” Ah fille unique, ce n’est pas drôle, tu as du t’ennuyer ” sauf que Françoise a précisé que son frère était mort à 30 ans…

Il y a tout de même un danger qui me gêne parfois dans ma lubie, c’est que je ne suis journaliste, ni écrivaine, je ne peux donc pas m’abriter derrière un but précis, une enquête.
Mon intérêt est sincère mais l’amitié n’est pas automatique, elle est plutôt rare. Le danger est donc que l’autre en face se fasse des idées.
Dangereux  aussi si la personne est dans une période de crise, de fragilité avec une soit d’être écoutée qui va la rendre involontairement dépendante.
Et je m’en voudrais énormément dans ce cas d’avoir donné des illusions.
Je ne sais pas faire semblant d’aimer, et je ne me force pas à aimer non plus.

Cependant on se rassure toujours en comparant, et comme je sais que vous aimez les anecdotes, je vais vous en raconter une.

C’était à l’époque des soirées salsa. Joris, la trentaine était un séducteur, séducteur au sens large du terme (je l’ai déjà expliqué dans un billet). Sourire jusque là, regard rieur, gai, bon vivant.
Il venait en soirée dansait plusieurs fois avec une femme, puis l’invitait à boire un verre pour papoter au bar. Ne vous méprenez pas, ce n’était pas forcément la plus jeune ou la plus belle, non. Aucun critère d’âge ou de beauté dans ses choix. Elle pouvait être mariée, ou être nouvelle dans le lieu. Le critère si je dois en choisir un, c’est que la dame ne connaissait pas Joris (ou alors juste de vue). Joris passait donc la soirée avec elle, lui posait mille questions, re-dansait avec elle, lui repayait un verre…

Oui mais voilà, la semaine suivante, après lui avoir claqué deux bises, Joris ne ” la connaissait plus ” ou ne la connaissait pas plus qu’une simple connaissance et passait à une autre personne !
La plupart du temps ce comportement n’engendrait pas de tremblement de terre, mais cela pouvait être très déroutant. Pour celle qui avait cru trouver en lui un ami ou un copain. Pour les plus jeunes filles séduites par le séducteur qui avaient quitté la soirée la semaine précédente persuadées d’avoir toutes leurs chance.

J’ai fini par comprendre, mais il m’a fallu du temps, qu’en réalité le seul but peut-être inconscient de Joris était d’être aimé de tous.
Ce qui n’a rien de surprenant de la part d’un séducteur.

Ce personnage m’a donc fait penser : OUF ! Je pose des questions mais je ne suis pas comme ça !

Mon intérêt ne se limite pas à une soirée. Il dure un peu plus et je ne joue pas un rôle.