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Un soir j’étais chez Joseph et nous parlions de nos amoures (quel autre sujet pourrait être plus intéressant ?).

Je ne sais plus comment c’est venu, mais à un moment j’ai dit :

- Je ne compare pas !

Ce à quoi Joseph assez remonté m’a dit : Pas de ça avec moi ! On compare toujours, on ne fait que ça ! 

En y réfléchissant, je suis bien obligée de reconnaître qu’il a raison. Me l’avouer m’a un peu gênée, car je me bats contre les comparaisons entre frères et sœurs, pour en avoir souffert, mais il est vrai que ça n’a rien à voir.

Car surtout si la comparaison est au bénéfice du nouvel amour, peut-on appeler cela vraiment une comparaison ?  


En tout cas pas en ce qu’elle a de négatif. On ne prend pas de notes, on ne donne pas de notes non plus, c’est juste une constatation et parfois même une adaptation. Et puis à quelques exceptions près, en ce qui me concerne en tout cas, cela reste en mon for intérieur, je n’en parle pas. 

J’ai souvent entendu ce genre de phrases, et d’autant plus quand l’amie[1] a connu son premier conjoint alors qu’elle était très jeune :

Avec le recul je me rends compte que le côté jaloux de Jean-Loup était gênant. Saturnin aime les bons petits plats, j’en suis ravie et pourtant je supportais assez bien la non-gourmandise de Pierre-Edouard. Yves-Marie est tellement tendre, comment ai-je pu me passer de tendresse toutes ces années ? C’est sûr j’ai gagné au change : Robert était hyper nerveux et hyper râleur, Mario est on ne peut plus doux et patient !

En découvrant un nouvel amour, on se découvre aussi soi-même. Servane et moi avons parlé récemment de la tendresse en disant : quand nous sommes jeunes, il est beau, il nous plaît, nous tombons amoureuses. Sans doute que nous ne posons pas de questions existentielles : au quotidien ce sera comment ?

Après des années de vie commune, nous nous rendons compte qu’un homme peu tendre, peu tactile c’est insupportable et ça nous a terriblement manqué ! Il va sans dire que consciemment ou non, le prochain qui nous approchera aura brandi l’étendard “tendresse” tout de suite ! 

Je parle de mon cas, mais ça peut-être tout à fait l’inverse pour d’autres ! J’ai une amie qui a du mal à supporter les “collants” et voudra probablement autre chose.

Le plus surprenant est que ce genre de pensées arrive alors même que nous sommes totalement guéris. L’autre est oublié, plus aucun regret, plus aucune émotion en l’évoquant. Et Dieu sait si j’ai eu du mal à oublier Laurent et si j’ai mis du temps !

C’est pour cela que je parlais d’adaptation. Le nouvel amour a mille qualités, il n’a que des qualités, mais parfois nous pouvons être déroutés parce des comportements qui nous sont étrangers.

Laurent était un cérébral adepte de longs discours qui me lassaient. Il n’allait jamais par le plus court chemin d’un point A à un point B, il suivait des méandres complexes que lui seul pouvait comprendre. Il coupait les cheveux en 4.  Il ne savait pas parler simple, appeler un chat un chat.

Et il avait tendance à tout décortiquer, analyser. Si tu as fait ça, c’est que tu pensais ça ! Lever le petit doigt c’était s’attendre à une analyse compliquée et souvent à côté de la plaque. Il voulait tout savoir de la moindre de mes pensées. Le genre de choses qui doit séduire à l’adolescence. Enfin quelqu’un qui veut me connaître, qui me connaît ! Malgré tous ces discours, il savait très bien cacher son moi profond, et pour ce qui était du ressenti et des sentiments, c’était une autre affaire. Mais je le connaissais parfaitement et je savais lire entre les lignes. Bien entendu le cérébral n’était pas tactile.

Tristan a bien entendu a brandi l’étendard tendresse.
Et pour ce qui est du côté tactile, le bouleversement a été total. Il est tellement fougueux que mon âme au début en était presque blessée !

Il parle mais Il ne fait pas de grands discours. Il parle peu de lui, Il a du mal à parler des choses graves. Je sais écouter mais ça ne suffisait pas toujours pour tout comprendre. Parfois un sujet revient plusieurs fois avant que je finisse par voir ce que cette petite phrase cachait. C’est déroutant mais passionnant.

Le fait qu’il me pose si peu de questions me faisait me demander si il s’intéressait à moi, si il me connait. Mais un jour j’ai découvert qu’il avait une mémoire d’éléphant qu’il n’a rien oublié depuis qu’on se connait et qu’il me connaît sans poser de questions. L’essentiel est invisible pour les yeux.
Tristan ne cherche pas à analyser chacun de mes gestes. Un jour il ne s’est même pas rendu compte que je passais par là exprès pour le croiser !

C’est reposant. C’est souvent le mot auquel je pense quand je pense à lui. Il est reposant, notre relation est reposante.

Beaucoup diront : mais comment puis-je être avec une personne aussi différente ?

Probablement parce que je ne me connaissais pas.

Une personne différente du premier amour mais pas si différente de moi.

Alors oui, c’est vrai Joseph, nous comparons…

Mais ne comparons nous pas tout simplement la personne que nous étions hier et celle que nous sommes aujourd’hui ?


Notes:

[1] Je dis amie car je n’ai pas entendu d’hommes en parler. Peut-être le font-il tout bas, ou peut-être pas du tout. Chacun sait que les hommes ont une capacité d’oubli bien supérieure à celles des femmes, et j’avoue les envier bien souvent !