Je me moquais des militaires qui n’arrêtaient pas de dire ” la quille B..”, ou qui nous envoyait le faire-part ” du père cent ” Jean Compe Désormais Pluquecent. 
Oui je suis un dinosaure, j’ai eu plusieurs copains et petits copains qu ont fait leur service militraire. J’ai même eu un mari, qui a eu la bonne idée de faire le mur pendant les 3 jours et comme punition, il s’est retrovué dans les commando en Allemagne, mais finalement il a adoré ça ! 

Bref comme dirait Martine, maintenant je pense aussi à la quille, mais sans gros mots. Et à ma grande honte, je reconnais même le bon côté du coronatruc qui m’a permis de me faire ” une pré-retraite ” confinement, télétravail et aujourd’hui encore deux jorus de télétravail par semaine. 

Ces derniers temps il m’arrive souvent, lorsque je suis à la photocopieuse, dans cette rotonde entourée de baies vitrées, ou dans les escaliers qui ont aussi des vitres de regarder le paysage urbain. 
Le hasard des déménagements et des postes successifs a fait que j’ai passé 7 ans dans cette annexe du 13ième arrondissement. Des immeubles que j’ai vu construire et dont nous avons été les premiers ” habitants “.
Ensuite je suis partie, deux ans, puis revenue 2 ans  dans ces bâtiments, mais dans un autre service. Je suis repartie 7 ans dans le 12ième et revenue en 2010 dans le 13ième, mais dans un autre immeuble plus près du métro.
Il y a un an retour à la case départ, dans le même immeuble que j’ai connu au début de sa construction. Ce quartier je l’ai vu se transformer. Les bureaux aussi ont bien changé, il y a des salles de convivialité, la moquette est devenue faux parquet, le mobilier n’est pas forcément mieux, mais on a essayé de moderniser. 

Je regarde les toits des anciens bâtiments de la Sernam devenus des bureaux géants en open Space, en face de ma fenêtre j’ai les bureaux de Facebook. J’ai eu un petit pincement au cœur de voir disparaître la Sernam, image d’une france d’autrefois, je me souviens encore du wagon de marchandise de la Sernam rempli de meubles par mon père pour meubler la Sauvageonne. De VilleNatale à Cadurcy, une autre époque ! 

Je n’ai rien à reprocher à ce quartier, la rue est plutôt calme, je suis même venue souvent en voiture. Je vais chez la coiffeuse pas loin, j’ai mes sandwicheries préférés. Le seul reproche c’est que c’est bien trop loin de chez moi. 
Je n’ai aucun regret à regarder ces paysages, je me dis :  c’est bientôt fini tout ça !

La semaine prochaine je vais manger avec des anciennes collègues à Bercy. J’ai peu connu Bercy, je n’étais pas dans le cœur de la ville dans la ville, la forteresse, mais dans les bâtiments en face. La foule, le bruit, les couloirs, les ” pas perdus ” les cantines immenses, là aussi les lieux ont bien changé, les cantines sont devenues paysagères, dans le grand hall en marbre on a mis des petits salons, des babys foot. 

J’ai vu très souvent ces tablées entières de retraités, le plus souvent des femmes, qui viennent profiter de la cantine puisqu’ils y ont toujours  droit. Ils occupent deux tables de 8 personnes, restent trop longtemps avant de débarasser leur plateau, provoquant l’agacement de ceux qui attendent avec leur plateau plein qu’une table se libère. 
Je me disais : ma parole je ne comprends vraiment pas ça ! Si en retraite il me venait l’envie, ce dont je doute, de revoir d’anciennes collègues, je préfèrerai cent fois un petit resto que la cantine ! 
Alors là aussi je me dis : c’est la dernière fois ! Même si la vie peut réserver des surprises. 

La semaine dernière j’avais un rendez-vous dans une autre annexe du 12ième, là où on a casé ” ressources humaines, retraite and co “. Un rendez-vous plutôt agréable pour la retraite, mais le contexte m’a rappelé des choses. 

Toutes ces fois où il a fallu me déplacer en métro, ne pas partir trop tard, ni trop tôt. Se présenter à l’accueil ” je suis Mme GrandeRêveuse, j’ai rendez-vous avec Mme X. Je présente mon badge, on appelle la personne. C’était pour un entretien pour un nouveau poste, donc toujours un peu stressant. Le dédale des couloirs, les numéros de bureaux. Ou alors pour un oral de concours encore plus stressant. Là on pourrait se dire ” c’est bon je sais à quel endroit se déroulent les oraux “. Sauf que j’ai quand même connu trois lieux différents, ils ont beaucoup déménagé aussi. Comme dit un de mes collègues - On nous fait souvent déménager, on a toujours une bonne raison pour ça, même si nous on ne comprend rien !

À l’issue de ce rendez-vous, mardi  la jeune femme m’a dit :
- En tout cas vous n’avez vraiment pas l’air d’une dame qui part à la retraite ! 

Mes filles : oui bon ça va, on sait tu fais jeune, arrête de te la péter ! 

C’est bientôt fini tout ça. J’ai ri quand j’ai dit à mon frère : je pars le  premier juillet. Il me dit :
- Et tu es en vacances quand ?
- Mais tout le temps ! C’est les grandes vacances ! 
Bien sûr il voulait dire : quand soldes tu tes vacances ? 
Je pars une semaine en avril et je suis libérée, délivrée après la pentecôte. 
J’ai vu beaucoup de personnes partir à leur date anniversaire, ou en fin d’année, j’ai choisi l’été alors que je suis née en novembre, pour de basses raison de décôte, surcôte. Je ne sais pas si c’est ma meilleure idée, car il y a les impôts, une année coupée en deux, donc il est possible que je sois taxée encore un peu trop au début, mais je m’en moque après moi le déluge. 

Depuis que je suis proche de la quille, je constate les réactions de ma fratrie : Camomille commençe à parler d’une retraite à 60 ans et fait ses calculs, Cédric qui disait il y a peu :
- mais arrêtez, la retraite c’est la vieillesse, la mort qui nous attend !
Depuis qu’il a une maison de campagne il rêve aussi de ne plus travailler, quand à Servane, elle se met en temps partiel.
Mieux Artémis me dit : tu en as de la chance, j’aimerais bien être en retraite ! 
- Certes, mais je te rappelle que j’ai trente ans de plus que toi ! Je ne sais pas si tu dois vraiment m’envier ! Cela dit c’est vrai que ce serait mieux d’être en retraite quand on est jeune ! 

Tout comme j’ai peu parlé de mon travail durant tout ma vie, je ne parle jamais de mon départ en retraite. Je sais qu’à la plupart des connaissances je dirai que je déménage à RoseVilleduSud. De toutes façons les connaissances et relations s’en contretamponnent et m’oublieront vite. 

Hier soir après une répétition théâtre chez une amie. Oui je joue ma pièce fin mai, dernière année scolaire de théâtre et dernière activité de mon année scolaire. Bref je raccompagne une jeune femme qui habite à côté de chez moi en voiture. Je lui demande où elle travaille, elle me parle des transports, de la ligne Saint Lazare. Je lui demande si elle pense à se rapprocher, et comme elle travaille dans une crèche, elle me dit que ça peut avoir des inconvénients dh’abiter juste à côté de son travail, de connaître tous les parents. Je lui raconte que j’étais allée voir un poste à VilleNatale, tout près de chez moi, j’aurais presque y aller en vélo. Mais ça m’avait paru un peu sclérosant cette petite vie de province : très peu d’employés, une cantine où on aurait pu mettre 50 personnes de plus, des gens qui rentraient manger chez eux le midi, qui viennent tous en voiture. VilleNatale est certes une grande ville mais une ville de fonctionnaires et de mitlitaires. Servane connaît cette vie là, elle a le même travail et le même bureau depuis le début de sa carrière et me disait que c’était un choix et qu’il faudrait m’habituer. Je m’étais même dit que j’allais presque regretter les affiches que je vois dans les transports et qui montrent la vie en fait ! 

Bref après avoir déposé cette jeune femme, j’ai presque ri de moi : je suis jeune en fait ! Je parle des postes que j’ai failli choisir, des transports.
Je ne me vois pas comme certains retraités complètement décalés, déconnecté de la vie active, du travail.