J’ai très peu vu la psy. Pendant de nombreuses années je n’étais pas sûre d’en avoir besoin. Moi l’auto analyse perpétuelle, j’écrivais tout, je décortiquais, je relisais. C’était peut-être plus long, mais ça me convenait. Et puis les tarifs et aussi la recherche de la bonne personne me découragaient.

Mais j’y ai emmené Artémis.
Dès la primaire, puis ensuite au collège, institutrices et professeurs (souvent les profs de français) avaient conseillé à mes parents de m’emmener voir un psychologue. Et moi enfant introvertie, secrète, j’aurais bien aimé. Mais mes parents ne voulaient pas entendre parler, on ne peut pas être malade de la tête, et puis ça voudrait dire que nous sommes de mauvais parents !  Les psys ? Faut arrêter avec ces foutaises !

Bien entendu je ne suis pas ce genre de mère. En réalité je n’avais pas besoin vraiment que l’on me conseille pour me douter qu’Artémis avait besoin d’aide, et je suis allée voir la psy ” très bien pour les enfants et ados ” de MaVille. Il y a eu une ou deux séances avec Athéna et moi, le père ne s’est jamais senti concerné, mais tout ceci concernait ma fillle, et moi seulement indirectement.

Je la trouvais bien cette femme. Mais ma fllle n’avait pas envie que je le choisisse comme psy, quand j’ai eu envie d’y aller. Elle avait peur sans doute qu’il y ait des fuites, et tout ce que je pouvais dire pour la rassurer n’y changeait rien : elle ne me parlera pas de toi, ce n’est pas son rôle !

Mais je n’ai jamais été dans l’urgence. J’écrivais, j’évoluais lentement et sûrement, je défaisais les nœuds de laine, j’avançais de quatre pas, reculait de deux. J’ai toujours lu beaucoup des romans, mais aussi des livres de psychologie et bien entendu toujours beaucoup échangé avec des amis, qu’ils soient éphémères ou non.
Les gens m’intéressent, qui se ressemble s’assemble. Ils ont eu des blessures plus ou moins graves, ils ont un talent pour l’écoute et la psychologie, c’est un échange. Celui ou celle qui m’écoute va mettre ” le doigt dessus ” la petite chose que je n’ai pas vue, et vice versa. D’ailleurs mes histoires d’amour ont été passionnelles et très axées sur cet échange intime. Cette phrase souvent entendue : tu es la seule à qui je peux dire ça !

Puis Artémis est sortie de sa crise d’adolescence puissance 10 et a cessé de voir la psy. J’y suis allée deux ou trois fois. J’avais déjà tout écrit, tout décortiqué ou presque. Mon enfance, mon histoire avec Laurent, ma tribu, mes filles. Je lui avais aussi dit que je ne voulais pas venir toutes les semaines ou trop souvent, deux ou trois fois, ça ira.
Elle a reconnu que je n’avais pas vraiment besoin d’elle, mais que si je voulais la porte était ouverte.

Puis est venu mon histoire d’amour passionnelle, impossible encore. Au début j’avais vue la psy, je culpabilisais. Pas mon genre de pirater l’homme d’une autre ! Elle m’avait rassurée.

Le temps a passé. Quand je me débattais dans mes doutes, mes questions, j’avais pensé à y retourner. Mais je me disais que je n’allais parler que de lui, lui est ses démons que je n’avais pas vus au début. Et lui c’était une armée de psy qu’il lui fallait !
Je me disais même en me moquant de moi- même : aller ma vieille, ce que tu voudrais c’est aller voir une voyante, la payer pour qu’elle te rassure et te dise : mais oui ça va marcher entre vous !
Mais j’y croyais de moins en moins.

Ensuite je me suis dit que j’irai bien la voir pour lui demander : comment faire le deuil, comment commencer ? Je n’y arrive pas !
Puis je n’en ai pas eu besoin. À quoi bon ? Le deuil je l’avais commencé depuis longtemps.

Et puis est venu le moment où j’ai regardé mon chemin. Pourquoi cette rencontre, pourquoi cette histoire ?
Il y avait bien longtemps que j’avais fait le parallèlle entre mon premier amour impossible et le second. Chacun sa route, chacun son chemin comme dit l’autre. Je l’ai même dit à celui qui me faisait souffrir : c’était mon chemin de te connaître, j’avais besoin de cette histoire pour savoir enfin qui je suis.

Je croyais avoir réglé mes comptes avec mon passé. Je croyais que parce que j’avais fait le deuil de Laurent, que je ne ressens plus rien pour lui, j’étais guérie, j’étais enfin libre. Je me trompais. Il restait encore trop de questions sans réponses : pourquoi ce parcours, pourquoi moi, pourquoi toutes ces années ?

D’un côté c’est une grande satifaction. De l’autre, même s’il est coutume de dire ” il n’est jamais trop tard “
… moi je me dis : ” il est bien tard “. Les rides arrivent, suis-je encore un produit de consommation sur le marché de la séduction ?

Heureusement mon incorrigible optimisme et ma joie de vivre m’empêchent de voir l’avenir en noir. Et je n’ai presque plus de périodes noires, comme avant.

Alors maintenant il m’arrive de me dire, tiens je devrais aller voir la psy pour lui dire que je sais tout, que j’ai tout décortiqué ! Ne serait-ce que parce mon histoire n’est pas banale ! Elle me disait souvent : votre vie est un roman ! C’est incroyable ! Elle le dirait encore plus aujourd’hui.

Je sais qu’il me faudra encore un peu de temps. Pour me poser. Pour cesser de penser aussi souvent à Tristan. Pour ne plus faire de rechutes, reculer d’un pas quand j’en ai fait quatre. J’ai déjà perdu beaucoup de réflexes dans mes comportements, mes relations, des choses qui étaient ancrées en moi et que je voulais corriger.

Il m’arrive aussi de me dire que si je pouvais, je changerai de métier, je deviendrai psy. J’ai tant étudié mes contemporains, tant lu, tant appris à écouter ce qui n’est pas aussi simple qu’on ne le croit…que je pense que ça m’irait bien.

Mais pour le moment je m’occupe de moi. Je me pose, je me cale. Je m’aime enfin, même si au fond je ne me suis jamais détestée..