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Puis la fin de l’été arrive. Ce sont des adieux déchirants jusqu’à ma montée dans la voiture familiale chargée à bloc. Je pleure tout mon saoul durant le trajet.

Puis nous nous écrivons, il me téléphone.

Entre temps l’amoureux lointain, doit faire ses trois jours, et en cette époque cruelle, on coupe déjà les cheveux pour les trois jours. Il se garde bien de m’avertir que, fini la frange blonde à la Dave, je vais retrouver un type lambda, à qui le crane rasé ne donne guère l’air intelligent ! Rare sont ceux que le look bidasse a avantagé ! L’uniforme c’est beau dans le films !

En septembre, il vient passer un week-end. Nous partons à la maison de campagne, où je suis invitée avec ma fratrie à une “boum” annuelle. Invitée avec Michaël, mais je suis terriblement déçue, j’ai tant parlé de mon beau blond, il aurait pu éviter de se faire massacrer les cheveux, non mais ! Ce week-end se passe bien. C’est encore l’été, pas les mêmes champs que dans le Sud. Mais c’est encore un amour d’été.

À la Toussaint, nous devions repartir dans le sud, mais hélas la vieille voiture familiale tombe en panne. Je ne peux que hurler contre l’injustice du sort qui s’acharne contre les amoureux shakespeariens, à cet âge égoïste, on a aucune compassion pour les parents qui vont devoir payer très cher les réparations de la voiture !

Quand à moi, à la rentrée, j’ai changé d’établissement scolaire, et d’orientation.

Je me retrouve dans une école à Paris, dans une classe de garçons avec 4 filles.
Et quels garçons ! Beaux, enfin la plupart, intelligents, à l’aise dans les conversations, extravertis ! De quoi regretter d’avoir déjà choisi un petit copain !

Puis voilà que je commence à m’intéresser à ce qu’on apprend en cours, (il serait temps vu mon grand âge). Et je me dis que je vois mal discuter de tous ces sujets avec Michaël. Lucide, l’amoureuse mine de rien !

Pour corser l’affaire, Laurent aussi a changé d’établissement et d’orientation, à deux stations de métro de moi. Laurent aussi a une petite copine extra-gourde, à qui il ne risque pas de parler de ses cours d’électronique. Il vient me voir souvent à la récré, m’attend le soir à la sortie le mercredi, et toutes les semaines nous allons boire un chocolat après les cours et discuter jusqu’à plus soif.

Mais mon anniversaire arrive, en novembre, et Michaël doit venir passer le week-end à Paris. Je vais l’attendre à la gare.

Je ne sais pas comment ça arrive, en combien de minutes, en combien d’heures, ou alors est ce quelque chose qui était bien caché sous un épais couvercle, derrière un écran de fumée.

Mais je sais que très vite, il n’y a plus de beau blond d’été, il n’y a plus d’amour d’été, plus d’amour tout court. Juste un garçon gauche, maladroit, mal dégrossi qui m’agace prodigieusement qui n’a rien à voir avec mon décor.

Qu’ai-je bien pu trouver à ce plouc ? Malgré tout je prends mon mal en patience, je ne vais pas le remettre illico presto dans un wagon en partance pour le Sud. Il m’agace, je ne le supporte plus. Je ne parle pas et je me rends compte que lui non plus, finalement c’était moi qui avait écrit l’histoire toute seule, y compris les dialogues. Je croyais qu’il avait de la personnalité : c’était la mienne !

Je supporte sans broncher le repas d’anniversaire, c’était l’époque où les grands mères étaient les reines de la gaffe “ton fiancé” par ci, “ton amoureux” et par là. Ou encore : “je t’ai offert des draps puisque tu dois monter ton ménage” !

J’imagine à l’heure actuelle, la tête de mes filles, si Martine leur faisait le même discours chaque fois qu’un Jules est avec nous à la table familiale. La tête de mes filles, que dis-je les cris !

À l’issue de ce repas interminable, je l’emmène dans ma chambre, histoire de lui parler, pas question de lui annoncer la rupture sur le quai. En plus je vais jusqu’à lui demander de ne rien montrer à ma tribu !

Cris, supplications, un vrai drame shakespearien. Mais on ne parle pas la même langue quand l’un dit “je t’aime” et l’autre “je m’en fous”.

Quand je l’ai raccompagné à la gare, j’étais soulagée, je n’en pouvais plus !

Pourtant le lendemain, j’ai pleuré à chaudes larmes, non pas de regrets, mais de culpabilité.
Pas toujours facile de faire souffrir ! Martine ne m’a pas du tout aidée : pour elle j’étais coupable d’avoir donné des illusions à un pauvre garçon, d’avoir été aveugle.

La première fois qu’Athéna a pleuré dans mes bras parce qu’elle était la “largueuse” j’ai relativisé, je l’ai rassurée : tous nous avons été largué et largueur, et tous nous nous en sommes remis !

Ça fait partie du parcours initiatique !

Michaël est venu me voir souvent à la Sauvageonne. Le temps avait passé, il ne m’agaçait plus. Puis on s’est perdu de vue, je l’ai revu des années après, il s’était marié. Il avait un fils à qui il avait donné mon prénom au masculin. Bien sûr il m’avait déjà dit qu’il aimait ce prénom, mais laissez moi rêver que je suis inoubliable !