Je ne vais pas suivre l’ordre des âges, je commence par la plus petite.
 

Servane ne fume pas, ne boit pas, ne mange pas gras, mais comme je l’ai dit plus haut, ce n’est pas pour autant que l’on échappe aux soucis de santé. Quand elle était jeune femme mariée, on a indiqué à Servane que la pilule était contre indiquée pour ses problèmes de circulation de sang. 
Elle savait déjà qu’elle avait hérité d’Eugène les problèmes de circulation. Plus tard après la naissance de Jolinette elle a eu des problèmes aux oreilles, elle était devenue quasi sourde, un problème d’osselets. On ignore si ce problème est héréditaire. Martine a eu quelques ennuis aussi mais sans être opérée et sa surdité actuelle n’a probablement pas d’autre cause que l’âge. Comme me disait Servane hier on ne connaît pas non plus la cause de la surdité de naissance d’Eugène. 
Servane s’est fait opérer des deux oreilles, et a retrouvé son audition. On lui a déconseillé d’avoir un autre enfant car c’est la grossesse qui aurait provoqué ce gros problème. Gynécologie et audition sont liés, vous m’en direz tant ! Comme je vous l’ai dit ne me demandez pas de détails ou de langage médical. 
Cela n’a pas empêché Manivelle de pointer son nez 6 ans plus tard, sans que Servane n’aie de problèmes. Mais hélas à la cinquantaine Servane a du être appareillée. Sans appareils elle n’entend rien. 
Plus tard elle a eu des problèmes de dos ” le mal du siècle “, c’était quelques années après Camomille. Une hernie discale comme beaucoup d’entre nous, elle s’est faite opérer et doit porter un corset de temps en temps. 

Parler de tout ça exacerbe sûrement les choses. J’y reviens. Servane ne se plaint jamais, elle vit comme tout le monde avec ses bobos. 

Camomille a été opérée de l’appendicite vers 6 ans, une sorte de mode à l’époque, j’y suis passée ainsi que de nombreuses cousines, amies. On en parle moins de nos jours.  À part ça Camomille taillée comme une armoire normande a toujours fait de la danse, du sport, elle est rarement malade. Un jour elle a eu un gros problème au dos suite à un mauvais mouvement au stretching. Elle a du se faire opérer et porte aussi un corset de temps en temps mais n’a plus trop de problèmes. Elle continue la danse et récemment on lui a dit que le bénéfice de l’opération ne durerait peut-être pas éternellement qu’il faudrait sans doute repasser sur le billard. 
L’an dernier elle a appris que le sang circulait mal dans les coronaires. La maladie d’Eugène donc. Depuis elle doit prendre des médicaments, à vie bien sûr. Elle a assez mal vécu cette annonce. Sans médicament le cœur peut faire des mauvaises surprises. Je ne l’ai pas précisé mais elle ne fume pas, ne boit pas, ne mange pas gras. D’ailleurs mes deux sœurs que pour ma part je trouve à la limite de la maigreur, je les appelle ” les affolées de la calories ” et je leur dis qu’elles seraient moins ridées avec un peu de kilos en plus ! 

Passons à Cédric un bon client des hôpitaux qui a probablement battu mon père en terme de séjours. Cédric a aussi commencé à fumer très jeune et n’a jamais arrêté. Vers la trentaine quand il a commencé à avoir des problèmes aux poumons, (deux décollements de la plèvre et deux opérations) il s’est mis au sport. Sauf qu’il est excessif en tout. Il ne fait pas le tour du parc à vaches (circuit connu du château de Versailles) mais un trail sur le mont blanc. Le médecin de famille s’arrachait les cheveux. Car il fume, il boit plus que la moyenne (la faute aux repas professionnels qu’il dit) il mange gras voire surgras, là aussi il est excessif au grand dam de sa femme et de ses filles. Dans les repas de famille il ne sait pas s’arrêter. Il est capable de sortir d’une opération et de faire un repas arrosé le lendemain. C’est un bon vivant certes très sympathique mais voilà. 
Après ses opérations du poumon  Cédric a subi une opération on lui a posé des ” stent ” ces petits ressorts qui empêchent les veines de se boucher. Mais contrairement à Eugène lui c’est proche du cœur, on lui a conseillé d’être sage, moins de gras, moins de fumée. Il a continué le sport le gras et la clope et deux ans après est retourné sur le billard. Lui c’est sa poitrine qui est un vrai champ de bataille. Pour le moment il a échappé au pontage mais çe ne durera pas. Durant le confinement il faisait du vélo d’appartement en regardant une rediffusion du tour de France pour faire les mêmes étapes que les coureurs. Il sortait de là essouflé et buvait un litre de coca. Martine est à la fois complètement affolée et persuadée que son fiston chéri s’en sortira toujours. Certes mais il a dépassé la cinquantaine et n’a pas encore atteint l’âge de raison. Il a attrapé le coronatruc et s’en est remis sans être hospitalisé, Martine a peut-être raison il a une chance de… non n’insultons pas ma belle-sœur !

Et moi dans tout ça ? Mes sœurs m’ont dit un jour  :  Mais au fait tu n’as jamais été opérée toi ?
Euh… oui tiens c’est vrai. 
J’ai été opérée de l’appendicite à 7 ans. J’ai même trouvé ça amusant.
Quand un médecin m’interroge  : Avez-vous subi des interventions chirurgicales ?
- Oui l’appendicite à 7 ans.
Cela les fait rire : Oui mais depuis ? Non rien vraiment ? Ben ça alors !

Cela ne veut pas dire que j’ai une santé de fer, même si je pense que j’ai quand même une santé de fer ! 
J’ai eu des problèmes de dos à l’adolescence, des lumbagos, des blocages. Plus tard avec les enfants je n’ai pas ménagé mon dos, j’ai été bloquée une fois assez longtemps, j’ai une hernie discale. Mais le médecin pense que ce n’est pas la peine d’opérer. Les opérations du dos engendre d’autres douleurs que celles pour lesquelles on a opéré. C’est peut-être vrai que ce n’est pas si grave, mais je suis aussi très dure à la douleur, pas chochotte pour deux sous. Je me souviens que Servane avait beaucoup insisté pour se faire opérer, elle aussi on lui disait que ce n’était pas utile. 
Depuis plusieurs années je n’ai plus de grosse crises. Parfois un petit blocage qui dure deux jours mais toujours parce que j’ai voulu porter un sac trop lourd. 
Depuis l’an dernier j’ai un genou qui me joue des tours. Là encore grosse surprise : je devrais avoir mal depuis des années vu le stade avancé et je n’avais aucun symptôme. Quand j’ai demandé au médecin pourquoi je n’ai jamais eu mal, il m’a répondu que la douleur est propre à chacun. Injection de gel, doliprane de temps en temps, tant que je peux danser tout va bien. Et je n’ai plus de grosses crises non plus. 
Je ne me plains pas de mes bobos. Ils font partie de la vie comme ma myopie. Ce sont de moindres maux. 
Je n’ai pas hérité de la maladie d’Eugène et pour cause. Et si parfois il me vient l’envie de me plaindre, je me dis que…
bof non finalement. Si j’avais des pouvoirs magiques ou si je croisais un extra-terrestre guérisseur je demanderais sûrement à être débarassée de ces petites tares… mais il y a pire. 

Hier Servane m’a appelée pour m’annoncer qu’elle devait se faire opérer. Les coronaires bouchées dont une complètement calcifiée. Elle n’avait aucun symptôme à part la tension depuis peu. Ce qui fait qu’il est trop tard pour les stents elle doit subir un pontage. Elle était sonnée bien sûr et moi aussi. C’est ma petite sœur la plus jeune, elle n’a que 50 ans. Nous avons parlé d’Eugène, de Madame Courbette, de l’injustice de cette maladie pour elle qui a une bonne hygiène de vie. Mais aussi de la chance parce que c’est un problème de tension qui a fait que l’on a détecté ce qui aurait pu passer inaperçu. Tout peut arriver avec le cœur. 
Servane ne veut pas en parler à Martine, qu’elle juge trop âgée pour ça et qui pourrait se faire du souci pour rien. 

Voilà pourquoi j’ai eu envie de faire des billets sur la santé. Ce bien si précieux. Ce moment où l’on se dit que les anciens avaient raison ” tant qu’on a la santé “. 
Et même si comme moi, comme vous, comme d’autres nous avons nos problèmes petits ou gros de pompe à huile encrassée, de suspensions fatiguées, de phares qui éclairent mal, nous pouvons nous estimer heureux, il y a toujours pire.