Il y a longtemps, j’étais une jeune fille insouciante…

Comme je l’ai déjà raconté, j’ai quitté un jour mes parents pour aller vivre avec un jeune homme, mais ça n’a pas marché et je suis revenue chez mes parents.
Sauf que je n’avais plus envie d’habiter chez mes parents ce qui est normal !

Et comme je travaillais j’ai acheté un studio. Très bien placé en plein centre ville, au dessus d’un resto chinois, avec un cinéma pas loin, Tonoprix en face, enfin l’idéal quoi. De plus il avait du caractère : des moulures au plafond, une cheminée, et du carrelage par terre, ce qui est cent fois mieux que la moquette.
J’ai toujours détesté la moquette, maintenant je choisirai surement du parquet, mais à  l’époque, le carrelage me plaisait.

Mon père bien aimé s’est chargé des travaux. L’entrée donnait dans la cuisine, et une autre porte dans la cuisine donnait dans la pièce principale. Vu la taille de la cuisine, c’était de la place perdue, deux portes !
Nous avons fermé la porte donnant dans la pièce principale, et ouvert une autre porte dans l’entrée. Il y avait un joli placard profond. Un meuble bas avec des étagères à gauche, une penderie à droite, et un miroir au fond et le joli placard devient un dressing. Dans la petite salle de bain, une cabine douche, et une cuisine intégrée, pas vraiment équipée.

Sauf que voilà la vie étant ce qu’elle est, la  jeune fille rencontre un autre jeune homme… Et celui là habite dans le Sud, mais il vient s’installer dans le studio avec elle.

Et le temps passe mais pas trop finalement. Mariage et Athéna en route. Benjamin ne panique pas, mais moi si ! Déjà un studio je trouve que c’est limite à deux, quand l’un veut regarder la télé, et l’autre lire ! Et puis finalement le cinéma, les restaurants c’est bruyant ! Sans compter que c’est une place, et les voitures tournent autour.
Longtemps après la place est devenue piétonne, mais je n’y étais plus.

Nous avons donc cherché, visité des maisons, puis des appartements…
Puis découragés par les prix, nous avons renoncé à acheter, et loué un appartement.

Le studio a été mis en location. Je l’ai quitté quand j’étais enceinte d’Athéna.

Les années passent. Le studio se paye tout seul finalement, les loyers payent le crédit. Nous déménageons pour une maison.

Et puis un jour c’est le divorce. Et mon ex mari n’est pas du tout content que finalement ce studio soit le mien, et ne trouve pas normal de ne pas récupérer quelque chose. Hé non ! Il ne peut même pas dire qu’il a participé à le payer, puisque le studio s’est payé tout seul !

Et je suis bien contente de l’avoir, parce qu’un jour il n’y a plus de crédit !

Souvent je passe devant, je m’étonne de voir toujours les volets clos. Mais la locataire ne m’a jamais rien demandé, et a toujours payé.

Mon père me disait toujours de le vendre pour acheter autre chose… Sauf que je n’avais aucune envie de me lancer seule dans les crédits… sauf que je ne pouvais pas acheter de maison, et que je suis bien dans ma maison.

Et je me demandais ce que je ferais si un jour il se libérait ! Le relouer ? Impossible, trop de travaux à faire. Athéna louchait dessus, mais comme elle ne m’aurait pas payé, et qu’elle rêve toujours de partir !

Et puis un jour, 20 ans après que je l’ai quitté, le studio se libère. L’agence me dit que la locataire est partie. L’état des lieux n’est pas encore fait, ou alors peut-être qu’il est fait, mais je n’ai pas pu joindre l’agence, en tout cas officiellement, l’agence ne m’a pas rendu les clés.Cependant j’en ai toujours gardé un double.

Mais je suis trop impatiente. Ce que j’ai surtout envie de revoir, c’est tout ce que mon père a fait dedans.
Il y a laissé son empreinte…

Je ressors du fond d’un placard le double des clés. J’attends le dimanche, car je suis sure que ce jour là, je ne croiserai personne de l’agence. De toutes façons j’ai vu par la fenêtre la silhouette de la locataire en train de ranger, le vendredi.

J’emmène Alex et Athéna. Je suis un peu intimidée, impressionnée. L’immeuble est vieux, il est joli d’extérieur, mais d’intérieur, il ne m’a jamais plu, couloir étroit, escalier vieillot.

Je sonne à tout hasard, mais le compteur est coupé. Je n’ose pas rentrer, je dis à Alex :

- passe le premier !

- tu n’arrives pas à réaliser que tu es chez toi !