Quand j’étais jeune fille et que je rentrais de Paris, la nuit, pour éviter d’être embêtée au feu rouge par exemple, je me barricadais dans ma R5, ce qui n’était pas simple du tout, il fallait une fois au volant ouvrir la vitre (pas électrique) fermer la porte de l’extérieur avec la clé, refermer la vitre, et surtout s’en rappeler à l’arrivée, c’est à dire ne pas sortir en laissant la clé sur le tableau de bord !

De plus je portais le feutre de mon père, comme ça, de loin vite fait, on pouvait me prendre pour un homme. Pas bien grand, certes, mais ça existe !

Le temps a passé, je conduis une break : “j’ai l’air d’une maman là dedans” râle Athéna, pourtant contente de me la piquer !
Ma voiture se verrouille de l’intérieur en appuyant sur un bouton (j’ai quand même un métro de retard par rapport à celles qui se verrouillent automatiquement quand on roule), et je ne porte plus de chapeau d’homme vu que je ne pense pas avoir l’air d’une jeunette.

Je rentre donc de Paris la nuit. Quelques ronds point à pester contre une voiture qui me colle aux fesses, et dont les phares me gênent. Puis je tourne à gauche, je suis presque arrivée, 5 km de chez moi. Je prends le raccourci par la forêt.

Grossière erreur. Car dès que j’ai roulé quelques mètres sur la première ligne droite, je commence à comprendre que le chauffeur de la voiture qui me colle est mal intentionné. Il fonce d’ailleurs sur les dos d’âne pour mieux me coller. Le rond point avec la tour hertzienne, je pourrais faire un tour gratuit et revenir sur la grand route, mauvaise solution à mon sens. Ce raccourci, seuls les habitués le connaissent.

J’accélère sur le rond point, toutes les routes en étoile se ressemblent, la plupart sont des impasses, des routes piétonnes pas forcément bien signalées.

Ok tu veux jouer, mon petit bonhomme, on va jouer ! Quoique si ça se trouve c’est une femme !

Je fais le tour presque complet du rond point à vitesse grand V, et je prends la route qui descend. C’est une route qui serpente dans la forêt, une route pleine de virages, qui ressemble aux routes du Sud, cette route je l’adore, je la connais par cœur ! Elle est limitée à 40, mais à part quand il neige personne ne roule à 40. Et surtout pas ce soir !

Je fonce, je coupe les virages, les phares de mon poursuivant toujours dans le rétro. Je lui mets au moins un kilomètre dans la vue. Peut être pas, mais bon, pas le temps de regarder dans le rétro !

J’arrive en bas de la route de la forêt, vers la ville. Réfléchir vite ! Ne pas marquer le stop, certes, mais après ? Aller chez moi, cela veut dire un feu rouge, tourner à gauche, en coupant une voie fréquentée (donc laisser passer les voitures) puis m’engager dans ma rue étroite !

Impossible, trop risqué ! Et puis après, me garer tranquillement pour que le type sache où j’habite ?

Toutes ces réflexions dans ma tête ne prennent que quelques secondes. J’arrive au stop, je le grille, je tourne à toute allure autour du rond point, et part vers les étangs, une route où on peut rouler vite, sauf si on croise quelqu’un.

Puis je rentre dans la première résidence que je connais (pas de barrières, pas de code) et je me gare entre deux voitures avec une dextérité qui m’étonne moi même.

Je coupe tout, moteur, phares. Je fais comme dans les films : je détache ma ceinture et je me couche sur le siège passager.

Mon cœur bat à 200 à l’heure. J’ai l’impression que de la fumée sort du moteur de ma Ferrari… euh de ma Peugeot. Mais j’entends tout de même passer une voiture dont le moteur hurle. Un 4/4 noir d’après ce que j’ai pu en juger dans le rétro vu la hauteur des phares. Comme dans les films d’horreur en gros !

Je reste sans bouger au moins… Je ne sais pas vingt minutes. Je guette les bruits, je n’entends plus que de temps à autre le bruit d’une voiture qui roule à une vitesse normale, des voitures classiques qui ne sortent pas d’un film d’horreur !

Puis je reprends le volant. Je sors tranquillement de la résidence, je fais demi-tour, je reprends ma route, le feu rouge, en me parlant toute seule dans ma tête :

- Du calme Louisianne, c’est un jour comme les autres, tu rentres chez toi tranquillement ! Tu n’es pas peureuse, tu n’as peur de rien !

Effectivement je me gare tranquillement, je suis seule dans la maison, mais je n’ai pas peur. Je m’endors normalement. Et je n’y pense même plus quand je prends la route de la forêt !