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Tu te rends compte, ça fait 45 ans qu’on s’aime, Laurent, tu en connais beaucoup des comme nous ?

Pourtant j’ai l’impression que c’était hier que j’ai vu pour la première fois ce petit garçon aux grands yeux noirs, et que j’ai pensé “je vais l’aimer toute ma vie”.

Les femmes sont intuitives, même à 5 ans !

45 ans à partager, nos jeux, nos états d’âmes, nos projets, nous coups durs, nos larmes (surtout les miennes), nos deuils. Nos plus grandes joies, nos plus grands malheurs.

À partager aussi nos familles, car on ne peut vivre autant d’années ensemble sans connaitre l’entourage de l’autre !

Fougue de jeunesse, jalousie, colère et possessivité, souvent j’ai voulu te quitter, te rayer de la carte, couper les ponts, te tuer même. Souvent j’ai voulu te quitter, toi jamais !

Mais je sais aujourd’hui qu’on ne se quittera pas. Le temps file et je n’en ai plus assez devant moi… Connaître un autre ami de 45 ans ? Impossible !

Tes colères qui m’impressionnaient me font rire : “Arrête tu sais bien qu’on s’adore !”, “Quoi tu cherches la bagarre ? Pour que je te quitte fâchée et en larmes, et que tu m’appelles demain soir tout penaud ?”.

Notre relation pas si rose, nos mises au point, nos reproches, nos agacements.

Tant de complicité, tant de tendresse. J’aime quand tu tentes de justifier ta lâcheté : je ne suis pas si fort que toi… Mais dès que les enfants auront grandi…

Ah bon, il n’est pas si fort que ça, le petit “meneur” de mon enfance qui n’avait peur de rien ?

Nos reproches finalement, un jour j’ai constaté qu’ils étaient toujours les mêmes : je te reproche de n’être pas totalement mon jumeau (ma jumelle) de ne pas réagir comme moi alors qu’on se ressemble tant !

J’aime quand tu décroches plus vite parce que c’est moi. Ou que tu rappelles aussitôt, j’aime ces phrases presque anxieuses : Louisianne, tu as essayé de me joindre ? Louisianne, pourquoi tu n’as pas rappelé ?

Ou quand tu me détailles ton emploi du temps. Septembre, octobre, ça va être surbooké, mais en décembre ça se calme !

Et je ris en lisant les sous-titres : et surtout note le bien, et pense à m’appeler à cette période !

J’aime aussi quand tu dis : Louisianne je t’appelle de Moscou, de Rome, de Marseille, de ma voiture…

Et que là aussi je lis les sous-titre : je t’appelle de là où je suis loin de mon foyer, de ma femme et de mes enfants. De là où je me sens un jeune homme libre !

J’aime quand tu me donnes des conseils que je n’écoute pas. J’aime quand après m’avoir écoutée une heure, tu mets juste le doigt dessus, et m’ouvre les yeux sur ce que je n’avais pas vu.

J’aime quand je dois te faire parler une heure de tout, de rien, du quotidien pour voir enfin tomber le masque et que je m’écrie : enfin nous y voilà ! Voilà le vrai Laurent !

J’aime quand je me pose encore des questions, chaque fois que tu te justifie.
Pour le moment je ne suis pas disponible.

Tu veux dire quoi par là Laurent ?

Un jour tu verras, comme toi j’aurais le courage de mettre fin à mon mariage, un jour je ne serai plus un lâche ?

Ou alors : Attends encore un peu Louisianne, tu n’es plus à quelques années. Tu as quelqu’un dans ta vie ? Pourquoi tu ne me racontes plus rien ?

Je me pose des questions que je ne veux surtout pas te poser !

J’aime aussi quand tu éclates de rire quand je te dis “on va pas être copains tous les deux !”

Tu seras là, Laurent bientôt, pour fêter nos 45 ans ! Champagne !