Il démarre en trombe, il a 10 km à faire avec beaucoup de virages, ça ne l’empêche de continuer à écrire des messages à Artémis : ” tu n’es pas près de la revoir, elle va avoir une nouvelle maman, elle t’oubliera vite “. Et ça dure comme ça toute la soirée : ” je ne paierai pas le dernier loyer, je ne viendrai pas pour l’état des lieux ” etc. 

Ce soir là nous nous pelotonnons toutes les deux sur le canapé, aussi déprimée l’une que l’autre. Heureusement il reste le chat tout content de profiter du canapé et de sa maîtresse sans chien pour prendre toute la place. 

piece encombree

Le lendemain j’insiste pour qu’Artémis dépose une main courante à la gendarmerie, elle me dit que ça ne sert à rien, moi je dis qu’on ne sait jamais, si il y a de l’escalade au moins elle aura des preuves qu’elle a agi. Bien sûr on ne peut rien faire, la chienne est à son nom à lui. Elle dit qu’il a toujours la clé et qu’elle craint qu’il ne casse tout, mais à part ” vous devez déménager et mettre fin au bail ” on ne peut pas faire grand-chose. 

Entre temps Artémis apprend qu’il case la chienne chez un copain, chez les parents, vu qu’il n’est jamais là. Plus tard il a accepté de voir Artémis et lui a dit qu’elle pourrait avoir Sylva tous les 15 jours au début, puis tous les mois puis on arrête complètement. Bien sûr elle n’a pas trop confiance, elle sait qu’il n’est pas fiable. Mais elle a pu avoir sa chienne un week-end entier. Inutile que je précise que même si Sylva aime son maître, c’est Artémis sa maîtresse, c’est aussi elle qui l’a éduquée et très bien d’ailleurs. 

Artémis reste très calme. Elle me dit qu’elle fait du sport de combat, qu’elle sait gérer ses émotions (pas lui) et qu’elle n’attend que ça qu’il franchisse la ligne jaune, au moins elle pourra porter plainte contre lui. 
Athéna me dit que ce n’est pas le comportement d’un type qui accepte la rupture ! 

Artémis fait adopter ses poules à regret, mais me dit qu’un jour elle aura une grande maison avec des poules, une chèvre, un ou deux chiens. 

Artémis n’a pas beaucoup de vacances, je suis souvent chez elle. Je suis là quand un copain vient pour réparer des choses cassées dans la maison, ou qu’il vient avec une copine pour la déchetterie. Artémis reçoit des messages de Jérémy furieux, il est venu à la maison et a fait demi-tour soit parce qu’il a vu ma voiture, soit parce qu’il a vu des gens avec une remorque et elle ne l’a pas prévenu alors qu’il s’estime encore chez lui. Bizarrement il n’est pas souvent au travail. 
Artémis lui demande : tu préfères que je demande à ton frère de m’aider ? 
Oui car le frère de Jérémy, ses parents, bref toute la famille, tous ont proposé leur aide à Artémis. Ils ignorent probablement la moitié des méchancetés dont Jérémy est capable, mais ils ont toujours aimé Artémis.  Elle lui rapelle que ce n’est plus vraiment leur maison, et que si il s’estime chez lui qu’est-ce qu’il attend pour mettre la main à la pâte ?

Mais plus le temps passe plus je suis inquiète, dans la maison nous avons entassé dans un coin des cartons, des valises, des meubles, un escabeau, des outils, tout ça à Jérémy qui ne vient jamais les chercher. Dehors c’est pire, un bateau sur une remorque sans roues (ça doit faire 2 ans qu’il doit changer les roues), le chalet de jardin plein à craquer de choses inutiles ou à lui. Et un énorme tas d’objets pour la déchetterie qui ont pris l’eau, à commencer par un matelas impossible à souler et une machine à laver. Nous passons une après-midi entière à vider le chalet, faire des tas pour la déchetterie et à faire un autre énorme tas de choses pour lui. Je suis en colère, comment peut-il la laisser seule avec ce boulot titanesque ? Il avait bien entendu promis de réparer ceci et cela, et d’aller à la déchetterie. 

Artémis a enfin la clé de sa nouvelle maison et commence les aller et retour. Ce week-end là elle a eu sa petite chienne et bizarrement un jour après il la ramène il doit aller je ne sais où. Artémis travaille je suis seule avec Sylva. Je me dis que je ne la reverrai peut-être jamais, je la dorlote, je l’emmène promener, je fais la sieste avec elle. Moi qui n’ai jamais été ” animaux “je m’attache aux bébés de mes filles, c’est comme ça !
Inutile de dire que l’histoire des ” 15 jours puis un mois et puis on verra ” est tombée à l’eau.

Vers 17 h je pars pour le nouveau village de ma fille où elle me rejoint après son travail. Jérémy doit profiter de mon absence pour venir récupérer Sylva, car maintenant il ne veut surtout pas me croiser, on ne sait jamais je pourrais mordre. Pas de danger je n’ai rien à lui dire, j’aurais juste envie de lui arracher les yeux. 

Nous passons tout de même des soirées sympas, Artémis a une bande de copains que nous rejoignons dans un bar à bières, elle s’amuse, elle est heureuse. Il est vrai qu’elle est beaucoup plus épanouie depuis qu’elle n’est plus dans cette relation qui s’étiolait et qu’elle subissait. 

Artémis reçoit encore des messages : il est furieux car j’ai mis dehors pour la déchetterie un vieux clic-clac dont les lattes partaient en lambeaux. Monsieur voulait le garder (pour le mettre où ?) et il aurait pu le réparer… Euh oui ça fait 4 ans qu’il est cassé. Du coup c’est reparti pour les menaces : je vais prendre la télé et le meuble télé, alors qu’il lui avait laissé vu qu’il a ce qu’il faut. Je ne payerai pas ma part du dernier loyer, je ne viendrai pas pour l’état des lieux.
Bien entendu il n’en a jamais eu l’intention vu le nombre de dégâts qui sont de son fait. 
Autres messages dignes de la maternelle : j’ai trouvé une copine vachement mieux que toi ! 
Ou encore : tu as bien compris qu’une fois que tu auras déménagé tu ne verras plus Sylva ? 

Nous rentrons, Artémis a peur qu’il n’ait cassé quelque chose dans la maison ou embarqué la télé. Elle ne retrouve pas le double de sa clé de voiture et le soupçonne de l’avoir prise. Le matin à l’aube quand Artémis part travailler j’embarque la télé dans la future maison, et l’après-midi le meuble. 

Nous en parlons souvent, Athéna et moi. J’en parle à d’autres aussi. Comment peut-on être aussi méchant avec quelqu’un qu’on a aimé ? Je pense aussi à toutes ces histoires que l’on entends de pères qui kidnappent les enfants ou pire les tuent pour ne pas que la mère en ait la garde. Là c’est un toutou mais pour Artémis c’est son bébé. Avec Athéna nous échaffaudons des scénarios dignes de films : kidnapper Sylva, qu’il croit qu’il l’a perdue. Mais Artémis ne veut pas, elle veut faire les choses dans les règles et elle dit que ce serait trop facile de la trouver un matin  en balade et d’embarquer Sylva de nouveau. Sa copine dit qu’il se lassera, qu’il verra que c’est casse-pied, qu’elle aboiera et cassera tout car il ne la promène pas assez, que sa copine le quittera et qu’il n’aura plus de jardin pour la chienne. Donc il finira par rendre Sylva à sa maîtresse.
Sait-on jamais. Artémis espère aussi. Mais comme elle dit :  il peut me la rendre parce qu’il est c*n, mais il peut aussi ne jamais me la rendre parce qu’il est c*n !

Moi je pense aussi à un autre scénrario qui n’a rien à voir avec Sylva, mais qui est aussi un grand classique : l’homme qui revient et lui dit que finalement il était plus heureux avec elle, si on essayait de recommencer ? 

Nous rêvons aussi qu’il se casse une patte, qu’il reste hospitalisé 6 mois, donc on récupère le toutou ou dans les pires moments nous l’étranglons avec ses chaussettes. 

Puis vient le jour du déménagement où soit disant Jérémy passera. Toute une équipe est là. Je pars la première dans la nouvelle maison où Athéna et Jim arrivent avec une remorque ils ont un canapé et une machine à laver pour Artémis. 
Dans l’ancienne maison toujours le même copain qui s’occupe de la déchetterie, une copine qui aide, les trois instructeurs de karaté d’Artémis avec une remorque et une voiture. Il y a presque plus de personnes que de meubles, en effet à part le frigo rien n’est encombrant. 

Ils arrivent tous à la nouvelle maison Jim les aide à décharger. J’ai presque envie de rire en voyant Jim porter d’un seul bras une commode sur son épaule. 
Puis les instructeurs s’en vont, nous déjeunons tous les 4 et Athéna, Jim et Artémis retourne chercher deux meubles qui restent. 

Le dimanche matin Athéna et Jim repartent à RosevilleduSud. Jérémy continue d’appeler Artémis, il lui dit que si elle a pris la télé, il faut qu’elle lui paye. Elle réponds qu’elle veut d’abord voir si elle récupère la caution et on verra.

Nous retournons à la maison avec Artémis le mercredi car elle n’a pas de vacances avant. La maison est enfin vide. Nous passons la journée à faire le ménage avec une amie d’Artémis. Jérémy demande à Artémis si elle est à la maison, elle dit oui. Elle me dit : il croit que je vais râler pour telle ou telle chose, mais je ne dis rien, je ne rentre pas dans son jeu !
Elle lui demande la clé de la voiture, il réponds qu’il lui donnera si elle donne la télé ! Ben voyons et il dit qu’il pourrait venir voler la voiture la nuit ce serait drôle. Elle raccroche furieuse. Je lui dis que ce ne sont que des paroles en l’air, il faudrait qu’il vienne avec quelqu’un, il  ne va pas abandonner sa voiture, si ça se trouve il n’a pas retenu le nom du village où elle habite. Le samedi je vais lui acheter un antivol canne pour le volant. Je lui dis : ” si il te menace à nouveau, dis-lui que tu appelles les gendarmes si il casse ton garage “. Elle n’a pas de garage mais il n’est pas censé le savoir. 

piece vide

La veille de l’état des lieux nous allons finir de nettoyer le sol dehors. Nous croisons les parents de Jérémy car bien entendu c’est son père qui fait tout le boulot que son velléitaire de fils n’a pas fait, je l’avais d’ailleurs prédit dès le début. Ils ont toujours été gentils, ils m’ont très souvent invitée à Petite Colline, ils vont me manquer. Nous parlons très gentiment, ils demande à Artémis si elle est bien installée. 

Jérémy demande mille fois à Artémis l’heure de l’état des lieux. Comme si il allait affronter la propriétaire qui va lui réclamer sa part de loyer et lui demander des comptes sur des tas de choses : pourquoi la serrure est changée, où est l’ancienne, pourquoi ceci et cela ? 
Artémis n’a pas voulu que je l’accompagne. La propriétaire fait une liste de tout ce qui ne lui plait pas. Je précise qu’elle n’est pas très réglo. 

Petite parenthèse vu que j’ai déjà eu le problème, je trouve anormal que l’on oblige pas les particuliers ou certaines petites agences à faire faire les états de lieux par des sociétés spécialisées (et sérieuses). Là c’est fait à l’arrache, c’est à peine si elle se souvenait de l’état des lieux d’entrée, la maison était impeccable sauf usure normale. Les propriétaires croient toujours que leur bien est magnifique alors qu’il y a de l’humidité, que la baignoire, les vasques, l’évier, la baie vitrée (des premiers prix) auraient bien besoin d’être changés j’en passe et des meilleures. J’avais eu le problème avec une petite agence quand j’ai quitté Belle Voisine, où on a même prétendu qu’un tiroir n’était pas nettoyé (le ménage argument facile). Dans mon nouvel appartement c’était une société, la dame est venue avec une tablette où il y avait cinquante photos, le moindre trou était noté. C’était un peu long mais au moins c’était sérieux ! 

Bref je ne vais pas m’étendre sur la propriétaire mais elle a continué à envoyer des SMS à Artémis, alors que l’état des lieux était signé car elle avait trouvé un trou, une tache, et même une toile d’araignée. Il faudrait lui expliquer que même si on a fait le ménage à fond, au bout d’une semaine il peut y avoir une toile d’araignée ! Elle a même reproché à ma fille d’avoir coupé l’électricité comme si elle allait continuer à payer ! Mais elle ne connaît pas Artémis qui lui répondait très poliment : vous devez justifier par des factures les travaux, une copie d’écran de Bricoflex ne suffit pas ! 

Ensuite Jérémy a essayé d’appeler Artémis toute la journée. Elle ne répondait pas, elle était fatiguée. Elle a fini par lui répondre, il voulait en savoir plus sur l’état des lieux. Il faut dire que la propriétaire avait essayé de l’appeler 10 fois. Encore une courageuse, incapable de laisser un message sur le répondeur ou d’envoyer un SMS ! Elle avait même demandé à Artémis l’adresse de son ex. Artémis a prétendu ne pas le savoir, il ne faut pas pousser Mémère dans les orties !

Le temps passe. Artémis est contente de sa petite maison qu’elle installe petit à petit. Elle a du mal à faire le deuil de sa chienne. Elle ne veut pas d’autre chien pour le moment, elle se dit qu’elle va faire un voyage et on verra après. Elle espère tout de même récuperer un jour Sylva, et ce serait risqué de se retrouver avec deux chiens. Mais au moins Jérémy ne l’embête plus, plus de nouvelles. De toutes façons si il avait continué, elle aurait prévenu sa nouvelle amoureuse. 

Artémis sort avec ses amis, elle plaît. Elle plait à des ” vieux ” 37 ans, 39 ans, des hommes qui sont séparés avec des enfants. C’est nouveau pour elle même si certains de leurs amis étaient parents, elle fréquentait des gens dans le début de la trentaine pas encore décidés à procréer. Mais pour le moment elle n’a pas du tout envie d’être en couple, elle dit même  ” je flippe “, elle n’a pas envie qu’on lui mette la pression et a un peu de mal avec ces mâles qui la trouve magnifique (ce qui est vrai) et du coup sont un peu pressés. Pressés d’être avec elle, cela dit c’est mieux que ceux qui ne pensent qu’à une chose. 

Moi aussi j’ai du mal. Je voyais tellement Artémis dans sa nouvelle vie avec Sylva. C’est pour elle qu’elle voulait une maison avec un jardin dans un village près des champs. Sa vie était organisé avec ses balades matin et soir, et ses randonnées le week-end. Le chat prend de la place, mais ce n’est pas suffisant. 
Ce n’est pas facile de relativiser. C’est pour ça que je suis dans la catégorie ” états d’âme ” même si j’ai hésité avec ” vraie vie “. Je m’inquiète pour ma fille, je m ‘inquiète pour sa chienne.
Sylva pourrait être morte, me dit-on. Mais justement ce serait mieux ! L’ancien toutou chéri d’Athéna est mort, nous avons tous pleuré, Athéna a mis son urne dans l’entrée. Il a eu une bonne vie. Etaprès quelque mois de deuil, Athéna a pris un nouveau chien adorable. Mais là comment ne pas penser que Sylva est sûrement moins bien traitée qu’avec sa petite maîtresse ? Comment ne pas penser qu’elle a du souffrir de la séparation ? Et si c’est ” moyennement dur pour moi ” j’imagine ce que c’est pour ma fille ! 

Et puis il y a le reste dans mes états d’âme. Je me dis heureusement que Martine n’a pas vu ça, la pauvre, elle aussi elle adorait Jérémy, elle aimait Sylva et n’aurait pas supporter que l’on fasse du mal à Artémis. Il y a ma maman donc à qui je pense souvent. 

Et puis malgré tout ça, même si je pense avoir fait le deuil de Jérémy, il m’arrive de tomber sur une photo, ou de revoir un souvenir. Et malgré tous les noms d’oiseaux que je lui ai donné, même si j’ai souvent rêvé de le gifler (dans les moments où la colère est douce) même si je pense ” petit c*n ” en voyant une photo, c’est dur. 

Je sais que l’image que j’ai est celle d’un temps qui n’existait plus depuis longtemps. Avant qu’il ne rencontre certains copains (bien plus jeunes que lui) qui l’ont influencé, cela même les cousins et cousines de mes filles l’avait remarqué. Avant que les relations ne se dégradent, du temps où le premier amour était encore bien vivace. 13 ans c’est long. 
Je me console en me disant que je sais qu’Artémis va lui manquer, mais pas seulement, Artémis et sa famille, Artémis et sa mère. 

Athéna me dit qu’un jour Artémis trouvera un type bien et que comme nous sommes des gens super agréables, ouverts et drôles, il s’entendra forcément bien avec nous.