Je vous ai déjà parlé de Didou. Didou est une ancienne amie et collègue avec qui j’ai commencé ma brillante carrière dans la vingtaine. Nous étions une petite bande et nous nous donnons des nouvelles de temps en temps, le plus souvent à l’occasion de la nouvelle année. 

Didou est plus âgée que moi, elle est en retraite depuis un bon bout de temps. Elle a une petite retraite car contrairement au reste de la bande, elle n’a jamais passé de concours et n’est jamais montée en grade à l’époque où c’était possible. Je dis ” à l’époque où c’était possible” car après elle a eu tous les ennuis de santé du monde, comme une prothèse de la hanche à 35 ans, elle a donc travaillé par intermittence avec des mi-temps thérapeutiques. 

Heureusement elle a acheté très jeune son appartement qu’elle a donc fini de payer. C’est un très petit deux pièces dans une bâtiment sans style au fond d’une cour où il y a 4 appartements, une petite copropriété. Elle est au premier étage sans ascenseur. Elle a aussi un garage dans la cour, utilisé comme débarras car elle ne conduit pas. Comme le bâtiment est vétuste elle a eu souvent des problèmes, fuites, humidité. Il se situe dans une banlieue prisée du Sud-Est de Paris. 

Nous avons donc papoté par téléphone récemment. Didou me dit qu’il faut refaire le toit de la maison, donc au dessus d’elle et des voisins, que le toit a 100 ans. 
Mais voilà maintenant Didou vieillit comme nous tous. Si son appartement dans un quartier pavillonnaire lui paraissait facile d’accès, ce n’est plus le cas. Aller jusqu’à l’arrêt de bus, prendre le bus, arriver à l’arrêt de métro puis aller à Paris. Bref maintenant ce choix ne lui convient plus d’autant plus qu’elle est très loin des commerces de proximité.

Didou marche avec une canne, elle a une maladie musculaire dégénérative, une mère en Ehpad sur la côte d’Azur qu’elle va visiter souvent, son frère pourtant plus jeune et plus près géographiquement n’a pas le temps. J’entends souvent des histoires comme ça hélas : dans les fratries certains frères se reposent sur les sœurs quand les parents vieillissent. Elle a aussi la chance d’avoir des amis à Paris et ça aussi ça devient compliqué : le parcours du combattant pour les voir, eux ne viennent jamais chez elle car ils vieillissent aussi, à part un ami qui a une voiture et vient la chercher de temps en temps. 

Donc Didou m’explique qu’elle en assez, qu’elle veut vendre son appartement. À cause de la rénovation énergétique. Son logement est sûrement classé dans les passoires thermiques, lettre Z. Rien ne prouve que les propriétaires qui occupent leur logement vont payer des amendes pour le moment, mais ça peut venir, et puis elle se dit que si elle attends encore 2 ans ou plus, elle ne pourra plus vendre, car soit personne n’en voudra, soit on lui fera payer des diagnostics exorbitants, soit elle vendra à perte. 

Elle ne pensait pas retourner vivre à Paris il y a quelques années, mais maintenant elle veut y vivre, ne serait-ce que pour les transports. Et elle opte pour un studio dans une maison de retraite, enfin ça ne s’appelle pas comme ça, ” résidence services ” il ne faut pas vous faire croire que vous êtes vieux. En réalité celle là n’a aucun service, juste un accueil. Le prix est de 900 € par mois ce qui n’est pas énorme, j’ai vu pire.

J’avais regardé à RosevilleduSud, un studio dans une résidence services : 3 000 € ! Là il s’agit de vrais services, conciergerie qui peut appeler le médecin, qui vous porte vos courses, possibilité d’avoir sa voiture et son animal de compagnie, mais tout de même ça reste un studio. Et bien sûr il faut être valide. Tout serait simple si on vieillissait en restant valide et autonome. 
Vu sa petite retraite qui ne dépasse pas 1 000 €, ils étaient un peu réticents, mais quand elle a montré l’évaluation de son appartement, le prix qu’elle allait le vendre, on lui a dit OK. ” Vous avez vu combien je vais toucher ? Je mourrais avant d’avoir tout dépensé en loyer, il faudrait que je vive jusqu’à 100 ans ! “.
Cela dit elle a de la chance qu’on l’accepte, car vendre un appartement n’est pas une garantie que l’on va payer le loyer. À moins de leur payer 100 ans d’avance, le retraité peut très bien claquer tout son patrimoine. 

Didou a de la chance, elle a un voisin ukrénien qui habite un studio dans sa petite copropriété et qui veut bien acheter son appartement. Il est même prêt à payer des petits travaux à venir dans la bâtiment. 

Didou me dit que tout cela va se faire d’ici mars. Elle a hâte d’être soulagée de tous ces tracas. Je suis contente pour elle. 

J’entends souvent des histoires de retraités qui ressemblent à celle de Didou. Ceux qui vendent pour acheter plus petit, quitte une maison pour un appartement plus confortable. Ceux qui préfèrent vendre leur maison et louer un appartement, les impôts c’est trop cher et puis ils n’ont plus ni l’envie, ni les moyens de faire des travaux. Idem pour les appartements, la preuve avec Didou.
Ceux qui optent pour une résidence service, je n’en ai pas connu beaucoup. Il n’y avait que la grand-mère de ma belle sœur qui avait vendu son immense maison à Versailles, sa belle maison de campagne en Bretagne et vivait dans une résidence grand luxe avec ses propres meubles, une salle de restaurant à disposition pour inviter la famille le dimanche et des tournois de bridge en semaine. 

La rénovation énergétique ? Soit c’est bien de ne pas trop dépenser, de ne pas claquer sa paye en chauffage, de ne plus louer des logements insalubres à des gens qui n’ont pas les moyens de se chauffer. Mais faut-il vraiment mettre le couteau sous la gorge de ceux qui ont travaillé toute leur vie pour s’acheter leur maison ? Faut-il un gendarme derrière chacun de nous ? 
On nous pique nos sous, on veut nous imposer une voiture électrique (je n’en achèterai jamais) en nous cachant l’essentiel, réparations hors de prix, manque de garagistes agréés. 

Et maintenant la rénovation énergétique !

Nous vivons une drôle d’époque ma pauvre Lucette !