Le billet ” livraison à domicile ” m’a rappelé une histoire. 

Je devais avoir 18 ans. J’avais décidé de prendre des cours de danse de salon entre autres. J’avais choisi une petite école à deux pas de chez moi. Cela se présentait comme une ancienne boutique dont la grande salle avait été parquetée. Enfin grande disons que ça devait faire 30 m². Un petit bureau à l’entrée à droite pour les inscriptions, quelques chaises au fond à droite pour attendre le début du cours, au fond un rideau cachait une arrière boutique je suppose. La tenancière s’appelait Huguette V, je me souviens encore de son nom de famille. Plus de cinquante ans, chignon démodé tout comme son look, elle doit manger les pissenlits par la racine à l’heure qu’il est. Elle était donc seule pour donner des cours, mais comme souvent dans les cours de danse elle avait un ou deux élèves qui étaient là depuis des lustres pour ” aider ” les nouveaux mais dans la réalité les embêter à les corriger tout le temps. 
Je vous rassure ça existe toujours mais pas toujours avec l’assentiment du prof ! 

J’ai donc pris deux sessions : 10 cours de danse de salon et 10 cours de rock. La dame était très sympathique, elle m’a dit que j’étais souple. Pour certaines danse cela me plaisait tout de suite slow, passo-doble, pour d’autres c’était très moyen comme le chachacha qui pour moi corresponds à un piétinement. La valse je n’ai jamais réussi. Et là où j’ai bien rigolé c’est le jerk (prononcer DJerk) car voir cette vieille femme (pour moi c’était une vieille) se déhancher m’a amusée.
Je n’ai pas réussi car je n’avais pas besoin de pas pour danser seule. Elle me l’a dit d’ailleurs ” vous avez déjà votre pas sur le jerk ? “. Danser c’était unE seconde nature depuis l’enfance, une activité familiale. Mon grand-père appelait ça ” la danse des ours “. Se trémousser tout seul au lieu de danser à deux quelle drôle d’idée !
Le rock j’ai adoré tout de suite, même si je dansais déjà le rock spaghetti, le rock Versailles compléter avec les noms que vous voulez ! 

J’étais la seule jeune. La moyenne d’âge c’était entre quarante et cinquante ans. Il y avait aussi deux ou trois papys. Je me souviens d’un papy très élégant et bon danseur. 

Bref comme dirait Martine venons-en au sujet du billet. Un jour alors que nous attendons le début du cours sur les chaises en papotant, un homme dans la quarantaine arrive avec son fiston. Il pose des questions à Madame Huguette. Le fiston est une caricature, difficile de lui donner un âge entre 20 et 25 ans. Il est maigre à faire peur mal habillé, les cheveux gras, une fine moustache pas du tout à la mode dans ces années là et visiblement très inhibé. 
On comprends vite que le père a envie de sortir son fils, de le pousser dehors, de le décoincer un peu. Huguette réponds patiemment aux questions et à un moment le père sur un ton autoritaire dit ” je fais ça que mon fils puisse rencontrer des jeunes “. Sans doute a t-il constaté que la moyenne d’âge n’était pas ce qu’il recherchait.

Du coup Madame Huguette me désigne de son stylo ” vous avez une jeune fille là ! “. Je la fusille du regard ! 

Ouh que je n’aime pas ça !
Je ne suis pas un argument de vente ! Et puis est-ce qu’elle m’a demandé si moi j’ai envie de rencontrer un garçon que personne n’a envie de rencontrer ? 
Encore une de ces méthodes à gerber ! 

Le jeune homme s’inscrit quand même au grand regret de Madame Huguette, il commence à lui demander si il peut danser en chaussettes ! Et il se montre plutôt désagréable. Ensuite il a fait quelque cours et essayé de papoter un peu avec moi pendant les slows que heureusement on dansait à bonne distance le temps d’apprendre les pas. J’ai été très froide. 
Mais vu les sessions de 10 cours étaient discontinues, les nouveaux arrivants qui commençaient pouvaient danser avec des gens qui n’avaient plus qu’un ou deux cours à faire. Pour ma part je ne me suis pas réinscrite pour une nouvelle session de 10 cours ce qui fait que le garçon a du se contenter d’un cours où il n’y avait plus de jeune fille ! Hihi !