C’était un jour comme les autres, je ne sais même plus quelle saison. J’habitais encore MaVille dans le petit pavillon que mes filles avaient quitté. Je suppose que c’était un vendredi soir mais je ne me souviens plus exactement quels étaient les jours des séances au cinéma de MaVille. Nous avions comme dans beaucoup de villes une salle polyvalente utilisée pour les films, pour les pièces de théâtre et les spectacles de fin d’année des écoles.
Les films ne passaient pas la semaine de leur sortie bien sûr, mais une ou deux semaines plus tard, avec peu de séances et des tarifs réduits. J’y allais souvent avec mes filles, j’avais emmené un jour mes filles et mes parents, ce jour là entre les tarifs moins de 18 ans et les tarif séniors, j’étais la seule à payer plein pot !
Autre gros avantage de ce cinéma, un parking souterrain immense et gratuit (pour les spectateurs) car se garer en plein centre ville… je ne vous fais pas un dessin. 

Bref comme dirait Martine* ce soir là j’étais seule et je décide d’aller voir le dernier James Bond, même si les James Bond n’ont jamais été ma tasse de thé. Je prends ma voiture, MaVille n’est pas grande mais je suis côté pavillonnaire et côté forêt, loin du centre ville. Ma rue est petite en sens unique, j’habite au bout et je dois donc tourner à gauche rue Victor Hugo pour rejoindre le feu rouge et la grande artère. Je dois m’arrêter pour laisser sortir de la deuxième maison à gauche une voiture. Je les connais de vue à force de passer devant à pieds ou en voiture :  c’est un couple âgé, leur maison est jolie et toujours impeccable, fleurie avec un joli portail en fer forgé, une maison que j’acheterais bien si j’en avais les moyens. C’est monsieur qui conduit une berline pas toute jeune mais impeccable aussi.
Vu l’heure et le calme des rues je me dis ” je suis sûre qu’ils vont au cinéma voir James Bond  ! “
Et en effet j’ai suivi la voiture de mes ” presque voisins ” jusqu’au parking du cinéma. Je me disais qu’ils avaient de la chance, cela me fait toujours cet effet de voir un vieux couple, ils ont vieilli ensemble, ils sont toujours deux pour aller au cinéma. 

Le lendemain un samedi, je prends de nouveau ma voiture pour aller à Ville Natale voir Martine. Et là de nouveau je dois m’arrêter rue Victor Hugo devant la jolie maison. Mais cette fois c’est un camion de pompiers de secours aux victimes qui est arrêté devant. Je ne vois pas grand-chose, mais je comprends. Le camion démarre et je le suis les larmes aux yeux jusqu’au feu rouge. 

Je raconte l’histoire à Martine qui compatis, je la raconte à mes filles qui me disent trop émotive. 

Après plus rien n’est comme avant. Je n’ai jamais revu le monsieur. J’ai vu la dame en train d’arroser les plantes ou qui ouvrait la porte à des visiteurs. Mais on la voyait de moins en moins, la maison gardait ses volets clos. Et puis longtemps après il y a eu un panneau à vendre. 

C’était leur dernière séance. 

* note pour le troll : inutile de me demander qui est Martine