Vendredi soir je prend la route seule.

C’est l’ouverture de la Sauvageonne. Ça me fait drôle de partir seule pour l’ouverture, c’est la première fois je crois. Athéna et Jim ne peuvent pas me rejoindre pour venir m’aider.

Quand à Artémis et Jérémy, ils sont en plein déménagement.
Ils quittent MaVille et l’Ile de France, (c’est pas vivable la région où tu es née, maman) et vont habiter une maison de pierre dans un petit port au bord d’un affluent de la Garonne. Pas loin de Petite Ville du Sud…

Je pense à Martine, au mois de mars, persuadée qu’elle allait mourir, elle m’avait dit en pleurant : tu sais je crois que je ne reverrai pas la Sauvageonne…

Hé bien si maman, tu vas la revoir !
C’est d’ailleurs pour ça que je pars “en éclaireur” pour tout ouvrir, préparer les lits, pour le jour où j’arriverai avec Martine, Jolinette et Manivelle, nous n’ayons plus qu’à nous glisser dans les lits.Marine n’est pas en état de m’aider, ni d’arriver dans une maison où il y atout à faire.

C’est la canicule. Vers 20 h 30 enfin, je peux couper la clim, ça devient plus respirable. Quand je m’arrête j’ai l’impression qu’une chape de plomb s’abat sur moi, je remonte vite en voiture.

Enfin le péage. Enfin Petite Ville du Sud dont je ne vois que les toits roses du haut de la déviation. Ben oui malgré les années passées, pour nous ça reste “la déviation”, celle qui évite le centre ville, et qu’au final je n’utilise que pour arriver et repartir !

0 H 40, je monte la colline.
Ah enfin ! Vite j’envoie des sms pour dire “bien arrivée” avant de descendre de la voiture, sinon je vais zapper.
J’ouvre la portière et je pousse un grand AAAH de soulagement en respirant à fond.

C’est la pleine lune, la Sauvageonne toute blanche se dresse devant moi, l’herbe jaune est tondue, c’est beau. Je traîne un peu avant de sortir la clé, je marche jusqu’à la grange. Puis je reviens.
Il me faut encore au moins un quart d’heure pour ouvrir la maison, ouvrir la grange du compteur, allumer le compteur, ouvrir la cave, J’ouvre toutes les fenêtres et tous les volets, pour que l’air rentre, il fait tellement chaud.

Puis je m’endors épuisée.

Le lendemain à 8 h je suis déjà réveillée. Pas sûre d’avoir envie de me lever vu le travail qui m’attend ! Je vais ouvrir l’eau, je déteste faire ça, soulever la trappe en ciment, à genoux dans les ronces, ouvrir le robinet. Fini je n’y touche plus jusqu’en septembre !

Après une douche et un café je suis d’attaque. Il fait déjà 25° dehors. L’après midi il fera 35° dans la maison et 30° dehors ! Mais il y a un peu d’air quand même, c’est mieux qu’à Belle Voisine.

Vers 13 h j’ai fini d’ouvrir les granges, de dévisser les volets qui ferment les fenêtres, d’enlever les fausses portes, d’aérer partout. J’ai retiré les toiles sur les meubles, remis les chaises autour de la table, mis les coussins sur le canapé. Il me reste les lits à faire, mais bof, un peu la flemme. Je dois aller à Petite Colline faire quelques courses, car je n’ai rien à manger et pas de frigo.

Ah si ! J’ai un frigo ! À l’arrière de ma vieille break ! Je décide d’aller à Petite Colline manger au café, tiens, je l’ai bien mérité !

Je décharge la voiture ce qui prend quand même un certain temps. Reste le frigo congélo, aussi grand que moi. J’arrive à le sortir sans trop de problèmes. Reste à monter les marches de pierre.
Personne pour m’aider, mais bon je réfléchirai à une solution plus tard, ou alors je mettrai une bâche par dessus et Jérémy qui sera là dans deux jours se débrouillera.

Le frigo trône debout à côté de ma voiture. Original comme décor !

frigo.jpg

Je pars à Petite Colline. Je commence par Picho. J’hésite à acheter le sac glacière en promo. C’est vrai que sans frigo, avec la chaleur, ce serait bien de garder au frais l’eau, la salade pour ce soir et le sandwich pour la route. Il faut que je réfrenne ma tendance à acheter des gadgets. Mais bon là c’est un cas de force majeure, je prends le sac glacière.

La caissière papote avec le type derrière moi… De la canicule, tout le monde parle de la canicule !
Je sors ma CB et je m’étonne un peu : c’est vraiment pas cher le Sud ! Puis je regarde de plus près dans ma voiture : je n’ai pas payé le sac glacière, elle a cru que c’était le mien ! C’est mon jour de chance !

Café du centre, j’ai un peu peur. 14 h, ce n’est pas Paris ici, ils vont encore servir à manger ?

Il y a peu de monde dans les rues, il fait trop chaud, les gens restent chez eux, pour une fois je peux me garer juste à côté. Peu de monde en terrasse aussi malgré les grands ventilateurs. Le patron me reconnaît et me demande si la saison commence, oui la saison commence !

L’été il me dit souvent : le matin c’est café crème, l’après-midi c’est panaché !

- Oui bien sûr qu’on sert encore à manger ! (C’est mon jour de chance )

- Vous voulez la carte ?

Je ris : non pas la peine, une salade quercynoise !

Je sors mon éventail, et je profite.
Seule, tranquille au soleil avant le raz de marée, les tables pleines. Seule tranquille, car bientôt on dira, tiens là une table de 6, ah non on est 7, zut…  pardon monsieur je peux prendre la chaise ?

Puis je retourne à la Sauvageonne où j’ai encore du travail. J’aurais bien fait une sieste mais finalement non. Je met mon maillot de bain, ça manque de piscine quand même !

Alors que je descends dans la grange du compteur, je ne sais plus pourquoi d’ailleurs, je vois un camion monter la colline.
Les Aubades ! Je leur dis que je suis seule, que la famille n’est pas encore arrivée, mais que je vais donner une petite pièce quand même.

Le chauffeur cale dans la montée, c’est raide la Sauvageonne ! Il faut être initié pour ne pas caler ! C’est à ça qu’on repère les nouveaux venus !

J’en profite pour passer une robe et trouver mon sac, ils sont tous descendus, ils doivent être 6, en fait c’est plutôt un mini bus ! Deux femmes et des hommes, je leur donne un billet, ils me donnent des fleurs, Martine va être contente. Ils sont souriants, drôles !

Je leur dis : tant que vous êtes là, vous pourriez m’aider à monter le frigo ! C’est mon jour de chance ! 

Ils rient : ah je me demandais si vous l’aviez sorti pour lui faire prendre l’air !

En fait d’aider, je n’ai rien fait, ils ont monté les 5 marches à deux, et l’ont posé dans la salle à manger. Ils voulaient encore m’aider : dites nous où vous le voulez madame !

Non non ça ira, merci ! Je ne vais pas les embêter !

Ils redescendent on papote un peu, le chauffeur a du mal à faire demi tour. C’est raide la Sauvageonne ! Entre le chemin et le champ il y a un fossé, enfin un gros dénivelé… Mieux vaut éviter d’y mettre une roue !

Vraiment quelle chance ! Ensuite je nettoie le gros frigo. Ah chouette, mes bouteilles vont être au frais, ah chouette, des glaçons !

Il me reste à me débarrasser du vieux, plus petit et moins encombrant, mais ça c’est de la rigolade, je lui fais descendre les marches allongé sur une couverture et je le met en plein milieu du chemin, je sais que Jim dès qu’il va le voir, va l’emmener aussi sec à la déchetterie. J’ai des gendres formidables… sauf ce week-end où ils sont trop occupés !

Vers 17 h j’attaque la dernière tâche la plus facile, faire les lits. Mais quand il fait 35° même faire un lit est épuisant ! Pas tous les lits, non faut pas pousser ! Celui de Martine, celui de Jolinette et Manivelle, celui d’Athéna et Jim, et un autre pour leurs amis qui viennent pour le week-end du 14 juillet.

Le soir je pense regarder une série sur mon mini pc, mais finalement je suis trop fatiguée et je me couche tôt. 

Le lendemain je suis debout à 8 h. Après avoir fermé toutes les serrures, je vais reprendre la route, mais je suis contente : je reviens bientôt, Sauvageonne, je reviens et cette fois ci je me pose un peu ! 

D’ici deux jours Artémis et Jérémy viendront sortir les meubles de jardin et ouvrir la piscine. Vendredi soir Athéna, Jim et leurs amis arriveront et mangerons à la Sauvageonne.

La Sauvageonne va vivre !

J’arriverai vers minuit avec Martine et mes nièces. J’aurais sûrement encore beaucoup de boulons à serrer : mais non cette table là ne va pas là, et ça c’est le parasol de la terrasse, qui a rangé ça n’importe comment ?

Mais bon j’ai fait l’ouverture ! Youpi !